Réencastrer la production en réseaux

DOI : 10.48649/pshs.136

Résumé

À l’aube de la révolution industrielle, Saint-Simon 1 défend l’idée selon laquelle la société, à l’image de l’industrie, pourrait devenir un système fonctionnel et réticulaire pacifié. À l’ère néolibérale, les entreprises-réseaux, loin de donner chair à l’idéal simonien et de répondre à la promesse d’émancipation des travailleurs, ne produisent-elles pas de nouvelles formes d’exploitation ? Certes, il est aussi des réseaux qui ne sont pas subordonnés à des impératifs économiques, ceux du tiers secteur. Cependant, comme toute société en réseaux, le tiers secteur est défini par son caractère incertain : de ce fait, la gratuité des liens et des biens qu’il permet est toujours virtuellement éphémère et dépend de l’activité contemporaine de ses membres et de leur consensus. Au contraire, l’engagement de la puissance publique est diachronique : il s’agit d’entretenir le réseau de services publics non seulement pour les temps contemporains mais aussi pour l’avenir des générations présentes et futures.

Index

Mots-clés

réseau, entreprise, autoentrepreneuriat, capital social

Plan

Texte

À l’aube de la révolution industrielle, Saint-Simon défend la thèse, à la croisée de la philosophie et de l’économie, selon laquelle la société, à l’image de l’industrie, pourrait devenir un système fonctionnel et réticulaire ; l’hypothèse normative de la société-réseau est notamment développée dans un texte intitulé Quelques opinions philosophiques à l’usage du XIXe siècle1. Si la société devenait un système fonctionnel et réticulaire, elle constituerait précisément un « organisme-réseau », selon une expression empruntée au sociologue Armand Matellart2 : en effet, loin d’en rester à une compréhension organiciste de la société, qui serait naturellement divisée en organes fonctionnellement spécialisés et articulés, Saint-Simon met au jour l’importance des flux matériels de ressources et des flux dits immatériels d’informations dans la constitution de la société.

Cet infléchissement théorique, qui permet de passer du thème de la société organique au motif de l’organisme-réseau, est décisif pour montrer que l’ordre pacifique de la société ne saurait résulter de la seule division économique de ses membres en vue de la production. Saint-Simon montre en effet que dans la société en réseaux, la pacification est davantage produite par l’intensification et la multiplication des liens entre les individus que par la production de biens. De fait, si nous suivons l’hypothèse saint-simonienne, les membres de la société en réseaux, d’abord indifférents ou opposés, généraliseraient ou universaliseraient leurs fins grâce aux rencontres, aux transactions et aux associations, qui constituent autant de nœuds au sein des réseaux. La société en réseaux tendrait ainsi à se pacifier, instituant une primauté des liens sur ou à travers les biens, et de l’humanité des individus sur leur fonction économique de consommateur ou de producteur.

Quelle est la postérité de l’idée normative qu’étaye Saint-Simon dans son système de pensée philosophique et économique ? Le motif du réseau semble être réactualisé au tournant des années 1970 et 1980, que nous pourrions qualifier de tournant néolibéral3. De fait, l’ordre néolibéral renforce l’intrication des individus au sein de réseaux d’informations de plus en plus fins : ces réseaux, loin d’être neutres, sont des dispositifs de pouvoir qui permettent un contrôle accru des comportements et des discours individuels, comme l’a montré Foucault dans son étude philosophique du néolibéralisme4. À ce titre, nous pouvons supposer que la société néolibérale repose sur deux piliers : les flux d’informations et les réseaux ; c’est là une hypothèse fondatrice des ouvrages du sociologue Manuel Castells5.

Depuis l’avènement du néolibéralisme, le dispositif de l’entreprise réseau, parmi de multiples dispositifs de la société en réseaux, ne donne-t-il pas chair à l’héritage simonien ? Quels sont les déplacements et les enchevêtrements qui existent entre la société en réseaux pensée à l’ère de l’essor du libéralisme, et la société en réseaux de type néolibéral ?

Plutôt que d’étudier le motif du réseau en silos, il convient de le comprendre de manière synoptique, en articulant des disciplines autonomes. Notre étude, qui se situe dans le champ de la philosophie politique, et plus précisément dans les études concernant la gouvernementalité, se nourrit d’autres disciplines comme le droit, l’anthropologie, l’histoire et la sociologie. L’articulation de ces disciplines a pour objectif de contribuer à élaborer, dans une perspective philosophique, une généalogie de l’un des dispositifs de la société en réseaux, à savoir l’entreprise réseau.

L’enjeu de cette entreprise généalogique est double. Il s’agit d’abord de montrer comment la société en réseaux, loin de répondre à la promesse d’émancipation des travailleurs, produit de nouvelles formes de précarité psychique et sociale et de privatisation de la production. Il s’agit ensuite d’esquisser les voies qui permettraient de dépasser au moins en partie ces effets qui s’avèrent délétères pour l’intérêt commun. Après avoir, dans un premier temps, opéré une critique de la société en réseaux à l’ère néolibérale, nous réfléchirons donc aux conditions d’une société émancipatrice constituée par réseaux.

Critique de la production néolibérale en réseaux

Fluidification de la production en réseaux et aliénation

Par hypothèse, à l’ère néolibérale, le dispositif des réseaux est commun au public comme au privé, selon une distinction juridique, et à la sphère productive comme à celle de l’action, selon une distinction philosophique. En effet, depuis le tournant néolibéral des années 1980, les institutions publiques, privées et associatives recourent toujours plus massivement à l’externalisation6, et se diluent ainsi dans des réseaux comprenant des sous-traitants, des fournisseurs, des partenaires, des consommateurs ou des citoyens.

L’infléchissement néolibéral est double : il est juridique et philosophique. D’une part, d’un point de vue juridique, les institutions de droit public comme les institutions de droit privé se métamorphosent en réseaux de sous-traitance, réseaux dont chaque nœud est un contrat. Le dispositif des réseaux se traduit donc juridiquement par une intensification de la contractualisation dans le public comme dans le privé : les contrats sont plus nombreux, et se succèdent plus rapidement ; les réseaux sont donc davantage sous le sceau du marchandage, régis par le droit privé, que sous celui du travail, soumis au Code du travail. Comme l’a montré le juriste Alain Supiot, le néolibéralisme réactive ainsi un conflit des représentations qui oppose, dès la fin du XVIIIe siècle, la compréhension statutaire du travail à sa conceptualisation marchande7. D’autre part, d’un point de vue philosophique, les contrats ne portent pas seulement sur les activités visant à produire et à reproduire notre monde, mais aussi sur celles visant à organiser politiquement les rapports entre les hommes : nous retrouvons, en filigrane, la trichotomie arendtienne des activités que sont le labeur, l’œuvre et l’action8. Les trois formes d’activité humaine distinguées par Arendt sont restructurées sous la forme de projets. En effet, les individus s’inscrivent dans les réseaux publics et privés grâce à des projets, si bien que toutes les dimensions de leur existence tendent à prendre la forme de projets ; l’articulation entre les réseaux et les projets a notamment été conceptualisée par le philosophe Hartmut Rosa9 : l’individu s’engage diachroniquement ou synchroniquement dans plusieurs projets qui cristallisent chacun de manière différente et temporaire une partie de son réseau. Remarquons que le double dispositif des réseaux et des projets s’appuie certes sur les nouvelles technologies, mais il n’est pas déterminé par elle ; les réseaux informatiques auraient pu et peuvent être le levier d’une plus grande centralisation de l’action et de la production.

L’institution pyramidale, close sur elle-même et autonome, est ainsi remplacée, dans la société en réseaux, par une série d’ensembles éphémères et rhizomiques qui se cristallisent autour de projets. Dans ce cadre, l’individu inscrit dans des réseaux semble à première vue avoir une place plus importante que les institutions, caractérisées par un certain degré d’anonymat, dans les activités humaines, et ce à double titre. Premièrement, les personnes qui s’investissent dans un projet définissent les moyens d’atteindre leurs objectifs en fonction des réseaux, des ressources et des compétences dont elles peuvent disposer. En général, les objectifs sont fixés par le commanditaire du projet, qui fait des prescriptions synthétiques concernant les buts à atteindre plutôt que des prescriptions analytiques concernant les moyens à mettre en œuvre, ce qui exigerait un travail coûteux de planification des objectifs, des ressources, des tâches et de leur répartition. Même lorsque les objectifs ne sont pas prédéterminés, par exemple lorsqu’une institution met en place un appel à projets ou un budget participatif, les objectifs que peuvent se fixer les individus qui partagent un projet sont normés par les institutions dont dépend leur reconnaissance sociale et monétaire. Il n’en reste pas moins que les individus, pourvus qu’ils s’inscrivent dans des réseaux et des projets, semblent acquérir un pouvoir plus grand d’infléchir sinon créer certaines des normes de la production. Deuxièmement, l’organisation par réseaux donnerait la primauté aux liens interindividuels et subjectivants d’affection, de coopération et de solidarité. La valorisation et le développement de tels liens permettraient de mobiliser l’énergie subjective du travailleur en-deçà de son aptitude fonctionnelle à réaliser des tâches grâce à des gestes et des exercices réifiants ; cela est notamment thématisé dans la recherche en management10. L’une des hypothèses de Saint-Simon, à savoir que la société en réseaux permettrait l’émancipation du travailleur, serait ainsi validée à l’ère néolibérale. Cependant, l’autonomie du travailleur ne préexistait-elle pas à la généralisation d’une production en réseaux ? Certes, il existe dans toute forme de travail, y compris dans les formes les plus répétitives et les plus contraintes, un hiatus entre la tâche, c’est-à-dire le travail prescrit – qui comporte une définition ou bien du seul objectif, ou bien de l’objectif, des ressources à mobiliser et du mode opératoire à mettre en œuvre – et l’activité, c’est-à-dire le travail concret effectivement réalisé, comme le montre empiriquement la psychologie clinique du travail, ou comme nous pouvons le déduire philosophiquement de l’irréductible écart entre la théorie et la pratique dans notre monde contingent11. Quel que soit le mode de production, le travailleur peut se subjectiver et s’émanciper en dénouant de manière autonome les problèmes aléatoires et imprévisibles auxquels il est confronté. Toutefois, en droit, dans le projet, la production théorique devient elle-même un lieu de subjectivation : si le travailleur ne décide pas toujours des fins, il anticipe lui-même les tâches, ou bien de manière réduite, en décidant de la manière d’accomplir un objectif hétéronormé, ou bien de manière plus ample, en déterminant également les objectifs à accomplir.

Cependant, dans la société rhizomatique néolibérale, la création et l’entretien de liens sociaux au sein des réseaux sont soumises à des impératifs économiques : c’est pourquoi la capacité du travailleur néotaylorien à intensifier et à étendre ses réseaux et à s’ajuster à leurs variations est une fonction économique. Le concept de « néotaylorisme », qui présente certaines limites, a au moins l’avantage de mettre en avant les effets de continuité entre le travail à la chaîne rationalisé et la rationalisation propre au management par projets : dans les deux cas, le rythme et les objectifs sont quantifiés, prescrits, surveillés, et évalués12. Le travailleur néotaylorien doit sans cesse réactualiser et remobiliser son réseau au sein de projets nombreux et variés : il assume lui-même le coût, en termes de finance et de temps, de l’entretien et du développement du réseau, de l’invention ou de la découverte de projets à réaliser, de l’organisation de l’emploi du temps complexifié par la juxtaposition de projets différents et par les délais souvent restreints. En cela, tout travailleur néotaylorien s’apparente au travailleur des arts et des arts appliqués, qui prend en charge la recherche de nouveaux projets, la constitution des équipes et l’organisation du travail ; la mise en valeur du rapport entre le travail créateur et le travail en régime néolibéral est l’un des objets cardinaux du sociologue Pierre-Michel Menger13.

Au cœur de l’activité du travailleur néotaylorien, se trouvent ainsi la formation et l’entretien de réseaux professionnels, qui sont plus ou moins clos, et qui sont constitués d’individus possédant des informations et des forces productives déterminées et partageant des normes communes ; l’ensemble des réseaux dans lesquels s’insèrent les sujets constitue leur capital social et détermine leurs capacités et leurs incapacités, comme le montrent Antoine Bevort et Michel Lallement14. Le réseau est donc un vecteur de subjectivation par lequel l’individu obtient plus ou moins de biens symboliques ou économiques, de reconnaissance matérielle ou sociale. Certes, la mobilisation du réseau n’est pas toujours efficace : le capital financier, par son caractère abstrait, a en droit une valeur universelle ; inversement, le capital social, par son caractère concret, ne vaut que dans des situations déterminées ; certes, l’utilité du réseau est proportionnelle à l’investissement de l’individu : si le sujet reste inactif, tel un rentier, son capital social se perd, et si tous les membres d’un réseau sont inactifs, il se dissipe. Cependant, le capital social d’un sujet ne décroît pas à mesure qu’il est dépensé, pourvu qu’il ne soit pas sur-sollicité ou sollicité sans respect de l’obligation du contre-don ; à ce titre, la logique du capital social correspond, au moins partiellement, à la logique du potlatch telle qu’elle a été étudiée par l’anthropologue Marcel Mauss15. Néanmoins, la primauté n’est pas donnée à l’humain sur l’économique, contrairement à ce que suggérait l’hypothèse saint-simonienne, puisque la société en réseaux apparaît marquée par

un processus de valorisation économique des différentes composantes de l’humain, de sa subjectivation et de ses liens sociaux.

L’économisation de l’humain a des incidences sur la manière dont il se subjectivise. Pour accroître son capital social, le sujet doit non seulement intensifier les liens qui l’unissent aux autres membres de ses réseaux afin qu’ils ne cessent pas d’être des liens forts, mais aussi nouer des liens faibles au sein de réseaux complètement hétérogènes. Or, les individus qui peuvent et savent se libérer des normes qui les attachent à certains réseaux communautaires pour inventer des liens faibles pourraient être appelés entrepreneurs, selon l’hypothèse du sociologue Mark Granovetter : l’entrepreneur innovant se caractérise en effet par une capacité à nouer de nouveaux réseaux16. Marx, en dressant le portrait du bourgeois en individu contingent, échappant au déterminisme de sa situation d’origine pour s’ouvrir à des trajectoires diverses17, montrait déjà comment la capacité à se déplacer de réseau en réseau pour démultiplier les opportunités est une capacité de classe. Ainsi, la classe dominante n’est pas seulement caractérisée par des réseaux denses et exclusifs qui mobilisent les sujets et les rendent conscients de leur appartenance de classe – selon la thèse démontrée par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot18 –, mais aussi par une capacité à se mouvoir dans des réseaux pluriels. La capacité à faire fructifier un capital social, dont dépend la capacité à arpenter, posséder et exploiter la société en réseaux, n’est donc pas universelle mais caractéristique d’une classe sociale ; c’est à ce titre qu’elle est liée à d’autres formes de capitaux. Il n’y a donc pas, contrairement au présupposé néo-simonien repris dans les écrits de Michel Chevalier19, une substitution progressive des classes sociales par les réseaux, autrement dit une équivalence entre l’intensification des réseaux et l’affaiblissement de l’opposition entre les classes.

Fonctions et dysfonctionnements économiques du travail par réseau

Par voie de conséquence, deux autres présupposés de Saint-Simon sont invalidés : d’une part, le réseau ne produit pas une généralisation, ni a fortiori une universalisation des fins ; d’autre part, le réseau n’engendre pas une pacification de la société. Premièrement, la mise en réseau produit une individualisation des carrières et partant une particularisation des fins : l’individu est rétribué non pas en fonction de sa qualification – donc de son métier et de son grade – mais de sa contribution personnelle, et il est donc poussé à s’investir dans le réseau afin d’accroître la reconnaissance et la rétribution dont il fait l’objet comme individu ; il tend donc à être orienté par des fins particulières. Deuxièmement, les individus cherchent à augmenter et valoriser leur propre capital humain. Le capital humain, théorisé dans une perspective philosophique par Michel Foucault20, est composé des expériences des individus, qui sont autant de performances prouvant leurs capacités, leurs savoirs et savoir-faire, mais aussi de leurs réseaux. Les individus qui augmentent et valorisent leur capital sont mis en concurrence, notamment à l’occasion d’épreuves de comparaison compétitive21 dont la fréquence s’accroît du fait de la généralisation des contrats de travail dits atypiques et de la substitution des contrats de travail par des contrats commerciaux, par exemple entre un micro-entrepreneur et ses clients ; à cette occasion, ils doivent acquérir un surcroît de visibilité sur les concurrents afin d’attirer à eux les investissements. Comme dans l’entreprise réseau des débuts du néolibéralisme, la mobilité de l’exploiteur multi-connecté, source d’épanouissement et de profit, a pour condition de possibilité la flexibilité de l’exploité immobile, mis en concurrence et spolié de la survaleur, source d’appauvrissement et de précarité. Cette mise en évidence du rapport de cause à effet entre la précarité et la mobilité néolibérale est au cœur de l’ouvrage Le nouvel esprit du capitalisme22. La promesse de pacification est donc mise à mal par cette concurrence généralisée. En attestent les épreuves traversées par les sujets : les individus peuvent être sujets à un affect de solitude comme à un isolement effectif, qui sont des facteurs de souffrance au travail23, ou pris dans des réseaux de tensions : en effet, les travailleurs, au gré des projets, nouent des liens de coopération et de concurrence qui peuvent engendrer des nouvelles formes de conflictualité.

Si le modèle du réseau se diffuse, ce n’est donc pas parce qu’il permet l’instauration d’une société plus pacifiée, comme le supposait Saint-Simon, mais parce qu’il permet d’autres gains : une réduction des coûts de planification, une flexibilité accrue du fait que les contributeurs aux projets ne sont plus majoritairement protégés par le statut du salariat, et une nouvelle forme de normalisation des travailleurs. Insistons sur cette troisième fonction économique des réseaux. Les réseaux, en soumettant les individus à des normes, sont aussi des vecteurs d’assujettissement. En effet, connaître les points d’ancrage d’un individu dans des réseaux, c’est pouvoir déterminer ses virtualités de comportements et d’actions. Le rapport entre connaissance et pouvoir est au cœur des travaux foucaldiens ; il est thématisé dans Il faut défendre la société24. Par exemple, les réseaux donnent à des sujets des opportunités d’emploi qui correspondent aux emplois de leurs semblables ; cette forme d’inclusion a pour revers des formes de ségrégation et d’exclusion, et des formes de restriction des choix de l’individu. Parce qu’ils organisent en amont les capacités des individus, les réseaux constituent des dispositifs de pouvoir. Remarquons que les sujets peuvent ignorer l’ampleur de ces dispositifs, car dans certains réseaux, les individus n’entretiennent de rapports qu’avec leurs voisins immédiats, et jamais avec la totalité du réseau. L’organisation réticulaire du pouvoir, qui se traduit par une horizontalisation, ne coïncide donc pas avec une abolition des rapports de forces : tous les individus n’ont pas la capacité à s’engager dans des projets et à les diriger. Plus encore, les rapports de forces sont intensifiés du fait qu’ils sont niés.

C’est notamment en raison de son efficace disciplinaire que le réseau est employé comme mode d’organisation intérieure aux entreprises. De fait, le salariat tend même à être infléchi suivant la logique du réseau, comme en attestent la généralisation du néomanagement, qui promeut la participation des salariés à des projets multiples se superposant ou se substituant à leur collectif de métier, mais aussi l’invention récente des CDI de projet. À la limite, les réseaux de production pourraient émerger autour de projets sans infrastructure technologique et institutionnelle préalable, grâce à la seule réunion par cooptation de contributeurs indépendants, de leurs ressources et de leurs réseaux. De tels contributeurs demeurent souvent subordonnés économiquement, et c’est là un des axes qui permet à Bernard Friot de critiquer la sortie du salariat « par le bas25 », c’est-à-dire par une indépendance juridique qui masque la dépendance économique sans en corriger les effets. De fait, la force du réseau ne dépend pas de son infrastructure mais de ses membres : plus un réseau comporte de membres, plus l’utilité des biens et des services auxquels il donne accès augmente ; il devient échangeable ou marchandisable, voire cesse d’être contournable. Symétriquement, la marchandisation ou la conversion en intermédiaire d’échange d’un bien ou d’un service dépend moins de ses propriétés intrinsèques que de sa mise en réseau.

Or, cette radicalisation de la mise en réseau rencontre deux écueils. D’une part, même si les nœuds du réseau sont des parties contractantes légalement égales et même si les liens sont des contrats conclus librement, le réseau ne constitue pas nécessairement une société d’hommes libres et égaux du fait des effets de dépendance et de précarisation économiques. D’autre part, la radicalisation de la mise en réseau contrevient à la logique néolibérale. En effet, dans un réseau distribué, aucun nœud ne contrôle les autres nœuds et leurs transactions. Par conséquent, les agents sont libres de contribuer sans sélection préalable à un projet commun ou de mettre un terme à leur coopération ; l’instabilité qui en résulte peut nuire au fonctionnement et à la productivité du réseau. L’hybridation de l’économie marchande pourrait être un moyen de remédier à ce double écueil des réseaux privés.

Perspectives d’émancipation dans la société en réseaux

Des réseaux alternatifs pour hybrider l’économie marchande

Certains réseaux émergent à la lisière du secteur marchand et du secteur public, que nous nommerons « réseaux alternatifs » : ces réseaux, locaux quoiqu’articulés les uns aux autres, souvent non lucratifs et favorisant l’économie circulaire, entendent privilégier l’intérêt commun et contribuer à la diffusion de formes concrètes de vie bonne, selon le concept emprunté au philosophe Adorno26, sobre et conviviale. Ces réseaux, qui seraient voués à devenir toujours plus nombreux et larges, notamment par la médiation de dispositifs technologiques, hybrident et encadrent l’économie marchande sans pour autant relever de la puissance publique.

Si c’est un fait qu’ils hybrident l’économie marchande et qu’ils proposent des formes de « vie bonne », les réseaux alternatifs peuvent-ils se substituer aux réseaux publics ? Les réseaux alternatifs, contrairement à l’État et à ses opérateurs, ont un caractère incertain et toujours en cours d’ajustement et de reconstruction : leur production n’est pas planifiée mais « bricolée », pour reprendre une distinction opérée par Lévi-Strauss entre le bricoleur et l’ingénieur27. L’anthropologue distingue, grâce à cette analogie, deux manières de donner un sens systématique au monde et aux événements qui changent son visage ; en déplaçant cette distinction, nous pouvons distinguer deux manières de produire le monde commun, ou bien par la recollection et la mise en ordre de ce dont nous héritons, et c’est de la sorte qu’opèrent les réseaux alternatifs, au plus près de l’expérience, des pratiques et des discours de leurs membres, ou bien par l’invention de configurations nouvelles à partir de plans, ce qui correspondrait à la manière dont opère la puissance publique. Or, toute forme de bricolage relève de l’œuvre, de la production, et non de l’action proprement politique ; rappelons qu’à partir de la philosophie aristotélicienne, Arendt distingue, entre autres, l’œuvre et l’action : seule l’action est proprement politique, même si la politique peut prendre en charge la manière dont nous faisons œuvre28, qui implique une forme de planification commune du monde partagé et pérenne. Par conséquent, les réseaux alternatifs ne peuvent se substituer à la puissance publique : ils constituent, dans une logique proprement économique qui est celle de la production, un ajustement de l’économie marchande et une administration des incertitudes, notamment lorsque les puissances publiques sont absentes ou défaillantes.

De fait, les réseaux alternatifs se développent synchroniquement au désengagement de l’État social et de sa fonction d’encastrement de l’économie, pour reprendre un motif au cœur de l’œuvre de Polanyi29 : le succès des réseaux alternatifs, comme celui du monde marchand, semble alors proportionnel aux lacunes dans les réseaux de services publics. Dès lors, les réseaux alternatifs paraissent se développer selon une logique proche de celle des réseaux privés de l’entrepreneuriat. En effet, dans l’entrepreneuriat innovant contemporain, le succès est tributaire de la découverte d’un « trou structurel » dans le réseau privé ou public, d’une « niche » à résorber par une activité économique selon le sociologue Ronald Burt30 . Du fait de cette parenté, les réseaux alternatifs sont parfois utilisés, à leur insu, pour nourrir les discours et les pratiques du libre marché globalisé en croissance infinie : c’est en ce sens qu’ils constitueraient, au niveau des discours, une nouvelle figure de la postmodernité31, selon laquelle l’État et les services publics pourraient se diluer dans des réseaux fluides, lisses et hybrides.

L’hypothèse d’un développement en proportion inverse des réseaux alternatifs et des réseaux publics semble confortée par l’analyse des logiciels libres que propose le sociologue Benjamin Grassineau32. Certes, les logiciels libres, entièrement gratuits, entravent directement l’appropriation privée et la valorisation capitaliste des forces productives et des fruits de leur travail : à ce titre, ils permettent une hybridation des réseaux marchands. Cependant, ils entravent aussi indirectement le développement de réseaux publics gratuits. Ces derniers reposent, en partie, sur les ressources fiscales auxquelles les logiciels libres ne contribuent pas, même s’il est vrai que les budgets des États sont bien davantage limités par les réseaux privés, par exemple du fait de l’évasion fiscale. Toutefois, plutôt que d’envisager une concurrence entre les réseaux alternatifs et les réseaux publics, nous pourrions faire l’hypothèse de leur coopération, rendue possible par le fait qu’ils partagent un postulat commun. Dans les réseaux publics comme dans les réseaux alternatifs, il est supposé que toutes les formes de production sont le fruit d’une coopération humaine au sein de réseaux dont les limites dans le temps et dans l’espace sont indéfinissables ; à ce titre, les fruits de la production, comme les conditions qui permettent aux humains d’en jouir, de les reproduire et d’en produire d’autres, sont un bien commun de l’humanité, en droit universellement gratuit. Du fait de ce postulat commun, les réseaux publics peuvent s’appuyer sur les réseaux et les projets alternatifs pour orienter et planifier, dans une logique proprement politique, leur action.

Si les réseaux publics et les réseaux privés peuvent coopérer, ils ne sauraient cependant être confondus en une seule et même structure car la gratuité publique et la gratuité des réseaux alternatifs présentent des différences. En effet, les logiciels libres relèvent de la gratuité en réseau, selon un concept emprunté à Benjamin Grassineau33: la production et la consommation sont ouvertes, non dirigées, non hétéronormées et non marchandes. Cette forme de gratuité se distingue des deux autres formes de gratuité non-naturelles (par opposition à ce qui est gratuit car ne résultant pas de l’activité humaine), à savoir la gratuité marchande et la gratuité obligatoire. Dans le cas de la gratuité marchande, un bien ou un service sont distribués gratuitement en vue d’une transaction marchande, ainsi est-ce le cas dans certains réseaux sociaux. Dans le cas de la gratuité obligatoire,le don et / ou la réception font l’objet d’une obligation, que ce soient dans les systèmes d’échange de dons et de contre-dons ou dans les services publics. Marcel Mauss a lui-même dégagé les rapports possibles entre les formes de potlatch et les services publics, montrant ainsi une articulation possible entre l’anthropologie et la théorie politique34. Si nul n’est contraint de produire ou de consommer – la production ne se réduisant pas à la production de biens matériels, et la consommation étant comprise au sens large, incluant l’usage –, alors la gratuité en réseau est virtuellement éphémère : elle dépend entièrement de l’activité contemporaine de ses membres ; sa forme dépend aussi des consensus horizontaux qui s’établissent dans l’espace de production comme dans l’espace de régulation de la production. Autrement dit, même si ces réseaux peuvent être fortement actifs – et certains le sont, comme certaines entreprises privées dans le monde –, ils ont une pérennité moins grande que les institutions publiques ; les réseaux alternatifs peuvent cependant acquérir une pérennité plus grande dès lors qu’ils s’institutionnalisent et se traduisent dans le registre du droit. Au contraire, la gratuité obligatoire relève d’un engagement diachronique : il s’agit d’entretenir le réseau de services publics non seulement pour les temps contemporains mais aussi pour les temps à venir, qu’auront à vivre les générations présentes comme les générations futures.

Fonction de l’État dans la société de réseaux

Nous pouvons dès lors supposer que, si les réseaux alternatifs ne nuisent pas aux réseaux publics, ils ne peuvent se substituer à eux. Il convient donc de repenser la fonction de l’État dans l’invention et dans l’administration des réseaux publics comme dans l’encastrement des réseaux marchands : en encastrant l’économie, l’État ne supprime pas le marché mais le détermine par des contraintes non-économiques, qu’elles soient sociales, politiques, éthiques ou écologiques35. Notons que l’État est compris, dans une perspective philosophique héritée de Rousseau36, comme une institution publique qui exprime la volonté générale et dont la vocation est universelle, puisqu’il s’agit pour lui de servir et de protéger inconditionnellement tous ses membres actuels et futurs ; l’intérêt de la perspective philosophique est de ne pas réduire le concept d’État, que nous pouvons concevoir comme un idéal régulateur, aux États qui sont advenus historiquement, dont l’histoire et les sciences sociales montrent les limites. Symétriquement, la prise en compte des savoirs issus des sciences sociales, du droit et de l’histoire, permet de montrer les tensions et les infléchissements que subit la figure de l’État, notamment sous l’effet de la néolibéralisation de nos sociétés.

Depuis les années 1980, la mutation, au moins partielle, de l’État social en « État-réseau37 » tend à accentuer les effets délétères de l’organisation néolibérale de la production en réseaux. Dans cette dynamique historique, l’État n’encastre par les réseaux néolibéraux marchands mais s’aligne sur leur logique et leurs dispositifs. Dans un État entièrement néolibéralisé, c’est-à-dire converti à la logique du réseau, les individus sont évalués selon leur capacités et responsabilisés dans leur accès aux réseaux publics, autrement dit aux réseaux de biens et de services matériels et immatériels assurés par l’État et ses opérateurs locaux. Par conséquent, l’adoption par la sphère publique de la logique des réseaux engendre une individualisation, qui est elle-même la source d’une précarisation sociale et psychique. Comme dans la littérature néomanagériale des années 198038, il s’agit de faire peser la responsabilité d’une inefficacité du réseau à distribuer les ressources et les services sur les individus, en aval du réseau, plutôt que sur ceux qui promeuvent intentionnellement la logique néolibérale et rhizomatique. D’ailleurs, l’existence d’une intentionnalité qui orchestrerait le processus de néolibéralisation et qui pourrait en être responsable est niée. En effet, l’organisation de l’État-réseau est thématisée comme une auto-organisation, qui relève non pas de l’action intentionnelle du sujet mais d’une émergence anonyme : l’État-réseau ne serait pas un ordre intentionnel, fruit d’une activité humaine, et plus précisément d’une action politique, mais un ordre naturel auquel l’humanité devrait s’adapter ; remarquons que l’adaptation est, comme l’a montré Barbara Stiegler, un impératif structurel dans la pensée politique néolibérale39.

Cependant, la critique de ces discours qui naturalisent l’État-réseau peut contribuer à la production active et intentionnelle de nouvelles formes d’action publique. À supposer que l’État accepte le fait que l’économie marchande tend à prendre la forme de réseaux, ce qui n’est pas nécessaire, il peut assumer et renforcer sa position de tiers dans la constitution de ces réseaux. Les réseaux qui tissent la sphère privée ne sont dès lors pas conçus comme des réseaux de relations dyades : chaque nœud est constitué par la médiation publique et juridique de l’État ; la médiation étatique non seulement apporterait des garanties nouvelles mais contribuerait à la métamorphose des réseaux privés. À ce titre, les réseaux alternatifs pourraient constituer une norme régulatrice pour l’État dans sa fonction de médiation et d’encastrement du secteur marchand : plus qu’un tiers secteur émergent ou résistant au secteur marchand et au secteur public, les réseaux alternatifs préfigureraient un devenir possible des réseaux privés, davantage encastrés, et des réseaux publics, davantage inclusifs. Premièrement, en étant progressivement aligné sur les valeurs et le fonctionnement des réseaux alternatifs, le secteur privé servirait davantage le bien commun et renforcerait la réciprocité des dons et de la reconnaissance et par conséquent la confiance sans lesquelles la société se délite, selon Marcel Mauss40. Deuxièmement, les réseaux publics, pourvu qu’ils soient reconfigurés selon les réseaux alternatifs communs, peuvent en effet inclure les citoyens comme agents exerçant des fonctions de contrôle et d’administration ; des expériences, comme celle de Naples concernant la gestion de l’eau, sont à cet égard intéressantes tant sociologiquement que philosophiquement41. Dans ce cas, les réseaux alternatifs communs seraient à la fois une norme régulatrice pour les réseaux publics et pour les réseaux privés. 

Esquissons, pour finir, quelques hypothèses sur les modalités d’encastrement des réseaux privés par l’État qui pourraient être envisagées. Premièrement, les expériences des individus ne devraient pas faire l’objet d’une capitalisation individuelle dans un contexte concurrentiel mais d’une reconnaissance publique, prenant par exemple la forme d’épreuves de qualification plus diversifiées et jalonnées dans le temps d’une vie. On sait que nombre de reconversions professionnelles passent par les concours de l’enseignement42 ; les concours pourraient être diversifiés dans leurs formes et multipliés, de sorte à être accessibles à un public plus large ; au-delà de la fonction publique, l’apprentissage et la formation professionnelle publics permettent aussi d’acquérir une qualification reconnue par un tiers. Deuxièmement, comme c’est le cas dans les réseaux libres (ainsi dans le logiciel libre), la reconnaissance des membres des réseaux ne devrait pas dépendre de leur activité mais de leurs qualités : dans cette perspective, nous pourrions envisager une continuité du salaire, indépendant de la contribution actuelle à des projets du réseau, en s’inspirant des travaux de Friot43 : l’enjeu n’est en effet pas que tous les travailleurs deviennent fonctionnaires et soient ainsi intégrés dans les réseaux des administrations publiques, mais que leur qualification et leur salaire soient garantis par un tiers, l’État, indépendamment de leur position dans les réseaux privés. Troisièmement, l’accès aux moyens de production, parce qu’il n’implique pas nécessairement une appropriation privée, pourrait être garanti en derniers recours par la puissance publique et ses opérateurs locaux, afin que les individus n’aient pas à dépendre exclusivement de leurs réseaux pour obtenir des moyens matériels et des financements nécessaires à la réalisation de leurs projets, ce qui se traduit par de fortes inégalités en fonction du capital social. Dans ce cadre, les banques publiques d’investissement pourraient être multipliées et diversifiées ; certains moyens de production pourraient être mis en commun sur le modèle de logiciels libres ou, dans un autre registre, des laboratoires de fabrication (fab labs) : il s’agirait ainsi d’étendre le réseau public d’infrastructures permettant non seulement la protection mais aussi l’émancipation des individus. Insistons une dernière fois sur le fait que cette triple hypothèse ne vise pas à remplacer intégralement le secteur privé par le secteur public, mais de mieux encastrer le secteur privé en s’inspirant de l’inventivité des réseaux alternatifs qui existent déjà, tout en prémunissant les réseaux de services publics contre les privatisations et les gestions néolibérales.

Conclusion

Le dispositif néolibéral des réseaux peut être subverti afin de promouvoir des formes alternatives de réseaux qui servent de normes pour réencastrer le secteur privé : l’enjeu est de limiter les formes de précarité sociale et psychique induite par la transformation de la logique salariale en logique rhizomatique de flexibilisation du travail et de l’économie, mais aussi de subordonner autant qu’il est possible la production en réseau à l’intérêt commun, dans une double perspective environnementale et sociale.

Il apparaît cependant que l’une des conditions de possibilité de cette subversion des rapports de pouvoir au sein de la société en réseaux est la préservation et l’amélioration des réseaux de services publics. En effet, leur privatisation impliquerait une généralisation des formes néolibérales de gestion des biens et de gouvernementalité des hommes. Or, comme nous l’avons montré dans la première partie de cette étude, la gouvernementalité néolibérale, qui, rappelons-le, ne se réduit pas, pour Foucault, au gouvernement par l’État et ses opérateurs publics, a de fait des effets délétères sur les subjectivités et la production du monde commun du fait d’une sujétion virtuellement totale des pratiques et des discours à une logique marchande.

Toutefois, l’étude généalogique des dispositifs des réseaux, à la croisée de la philosophie, du droit, de l’histoire, de l’anthropologie et de la sociologie, met au jour leur plurivocité : s’il n’est pas imposé aux individus de prendre en charge de manière totalement indépendante la constitution de leur réseau et les modes de productions qui en découlent, si les individus peuvent s’appuyer sur des réseaux publics qui les précèdent et se transmettent de génération en génération, si les nœuds des réseaux sont déterminés selon des impératifs politiques, déterminés démocratiquement, plutôt que selon des exigences économiques, calculées mathématiquement, et s’ils sont régis par le droit du travail plutôt que par le droit du commerce, alors il devrait être possible de concevoir une forme émancipatrice et pacificatrice de production du monde commun par réseaux. Autrement dit, les réseaux subjectifs, tissés par les sujets et maillant la société, ne sauraient être émancipateurs et émancipés par rapport aux logiques privées ou claniques de cooptation et de concurrence, s’ils ne sont pas protégés et soutenus par des réseaux d’infrastructures, de lois et de décisions politiques, c’est-à-dire par des réseaux institutionnalisés, universellement partagés et pérennes.

1 Saint-Simon, Œuvres complètes, « Quelques opinions philosophiques à l’usage du XIXe siècle » (1825), Paris, Éditions Presses universitaires de

2 Armand Matellart, L’invention de la communication (1994), Paris, Éditions La Découverte, Collection « La Découverte / Poche », 2011.

3 Michel Foucault, Naissance de la biopolitique, Cours au Collège de France (1978-1979) (1979,Paris, Éditions du Seuil – Gallimard, Collection « 

4 Michel Foucault, ibid.

5 La société en réseaux est le titre du premier volume de la trilogie que le sociologue Manuel Castells consacre à la société de l’information.

6 Nous pouvons trouver des exemples précis du mouvement d’externalisation dans les articles suivants, à la croisée de la sociologie, de l’économie et

7 Alain Supiot, Critique du droit du travail (1994), Paris, Éditions des Presses Universitaires de France, Collection « Quadrige », 2011, Chapitre

8 Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne (1958), Paris, Éditions Pocket, Collection « Agora les classiques », 2007, Chapitre III.

9 Hartmut Rosa, Accélération, Une critique sociale du temps, Paris, Éditions La Découverte, Collection « Sciences humaines et sociales », 2013.

10 Thierry Weil, Florence Durieux, La Gestion de l’innovation en réseau, Rapport pour l’ANRT, Mars 2000.

11 Aristote, Métaphysique, Livre Alpha, Chapitre 12, Paris, Éditions Flammarion, Collection « GF – Philosophie », 2008.

12 Jean-Pierre Durand, La chaîne invisible, Travailler aujourd’hui, Flux tendu et servitude volontaire, Paris, Éditions Seuil, Collection « Sciences

13 Pierre-Michel Menger, Le travail créateur, S’accomplir dans l’incertain, Paris, Éditions Gallimard-Seuil, Collection « Hautes Études », 2009.

14 Antoine Bevort, Michel Lallement, Le capital social, Performance, équité, réciprocité, Paris, Éditions La Découverte, Collection « Recherches /

15 Marcel Mauss, Essai sur le don, Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques (1925), Éditions Presses Universitaires de France

16 Mark Granovetter, Le marché autrement, Les réseaux dans l’économie, Paris, Éditions Desclée de Brouwer, Collection « Sociologie économique », 2000

17 Karl Marx, Friedrich Engels, L’idéologie allemande (1846), Paris, Éditions Les Éditions sociales, Collection « Geme », 2014.

18 Michel Pinçon, Monique Pinçon-Charlot, Voyage en grande bourgeoisie, Journal d’enquête, Paris, Éditions Presses Universitaires de France

19 Michel Chevalier, Lettres sur l’Amérique du Nord, I, Paris, Éditions Charles Gosselin, 1836.

20 Michel Foucault, Naissance de la biopolitique, Cours au Collège de France (1978-1979), Paris, Éditions Gallimard-Le Seuil, Collection « Hautes

21 Luc Boltanski, Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme (1999), Paris, Éditions Gallimard, Collection « NRF Essais », 2010.

22 Id.

23 Christophe Dejours, Travail vivant, t. II, Travail et émancipation, Paris, Éditions Payot, Collection « Petite Bibliothèque Payot », 2013.

24 Michel Foucault, Il faut défendre la société, Cours au Collège de France (1976), Paris, Éditions Seuil, Collection « Hautes Études », 1887.

25 Bernard Friot, L’enjeu du salaire, Paris, Éditions La Dispute, Collection « Travail et salariat », 2012.

26 Theodore Adorno, Minima moralia, Réflexions sur la vie mutilée (1951), Paris, Éditions Payot, Collection « Petite bibliothèque Payot », 2016.

27 Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage (1962), Paris, Éditions Pocket, Collection « Agora », 1990.

28 Hannah Arendt, L’humaine condition (1958), Paris, Éditions Gallimard, Collection « Quarto », 2012.

29 Karl Polanyi, La Grande Transformation, Aux origines politiques et économiques de notre temps (1944),Paris, Éditions Gallimard, Collection « 

30 Ronald Burt, Structural holes, The social structure of competition, Cambridge, Éditions Harvard University Press, 1992.

31 Jean-François Lyotard, La condition postmoderne, Rapport sur le savoir, Paris, Éditions Les Éditions de minuit, Collection « Critique », 1979.

32 Benjamin Grassineau, « Rationalité économique et gratuité sur Internet : le cas du projet Wikipédia », Revue du MAUSS, n° 35, 2010.

33 Id.

34 Marcel Mauss, Essai sur le don, Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques (1925), Éditions Presses Universitaires de France

35 Karl Polanyi, La Grande Transformation, Aux origines politiques et économiques de notre temps (1944),Paris, Éditions Gallimard, Collection « 

36 Jean-Jacques Rousseau, Contrat social (1762), Paris, Éditions Flammarion, Collection « GF », 2012.

37 Manuel Castells, L’ère de l’information, I, La société en réseaux (1998), Paris, Éditions Fayard, Collection « Sciences humaines », 2001.

38 Luc Boltanski, Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme (1999), Paris, Éditions Gallimard, Collection « NRF Essais », 2010.

39 Barbara Stiegler, « Il faut s’adapter ! », Sur un nouvel impératif politique, Paris, Éditions Gallimard, Collection « NRF Essais », 2019.

40 Marcel Mauss, Essai sur le don, Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques (1925), Éditions Presses Universitaires de France

41 Pierre Dardot, Christian Laval, Commun, Essai sur la révolution au XXIe siècle, Paris, Éditions La Découverte, Hors collection, 2014.

42 Noëlle Monin, Herilalaina Rakoto-Raharimanana (dir.), Recherche & formation, n° 90 : « Nouveaux enseignants, enseignants nouveaux : la rec

43 Bernard Friot, L’enjeu du salaire, Paris, Éditions La Dispute, Collection « Travail et salariat », 2012.

Bibliographie

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Notes

1 Saint-Simon, Œuvres complètes, « Quelques opinions philosophiques à l’usage du XIXe siècle » (1825), Paris, Éditions Presses universitaires de France, Collection « Quadrige », 2019.

2 Armand Matellart, L’invention de la communication (1994), Paris, Éditions La Découverte, Collection « La Découverte / Poche », 2011.

3 Michel Foucault, Naissance de la biopolitique, Cours au Collège de France (1978-1979) (1979, Paris, Éditions du Seuil – Gallimard, Collection « Hautes Études », 2004.

4 Michel Foucault, ibid.

5 La société en réseaux est le titre du premier volume de la trilogie que le sociologue Manuel Castells consacre à la société de l’information. Manuel Castells, L’ère de l’information, I, La société en réseaux (1998), Paris, Éditions Fayard, Collection « Sciences humaines », 2001.

6 Nous pouvons trouver des exemples précis du mouvement d’externalisation dans les articles suivants, à la croisée de la sociologie, de l’économie et de la science politique : Thierry Berthet, « Externalisation et gouvernance territoriale des politiques actives de l’emploi », Revue Française de Socio-Économie, n° 6, 2010, p. 131 à 148, Gabrielle Schütz, « Se « recentrer » sur son « cœur de métier », L’externalisation des services généraux des entreprises », Revue Française de Socio-Économie, n° 23, 2019, p. 181 à 201.

7 Alain Supiot, Critique du droit du travail (1994), Paris, Éditions des Presses Universitaires de France, Collection « Quadrige », 2011, Chapitre préliminaire.

8 Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne (1958), Paris, Éditions Pocket, Collection « Agora les classiques », 2007, Chapitre III.

9 Hartmut Rosa, Accélération, Une critique sociale du temps, Paris, Éditions La Découverte, Collection « Sciences humaines et sociales », 2013.

10 Thierry Weil, Florence Durieux, La Gestion de l’innovation en réseau, Rapport pour l’ANRT, Mars 2000.

11 Aristote, Métaphysique, Livre Alpha, Chapitre 12, Paris, Éditions Flammarion, Collection « GF – Philosophie », 2008.

12 Jean-Pierre Durand, La chaîne invisible, Travailler aujourd’hui, Flux tendu et servitude volontaire, Paris, Éditions Seuil, Collection « Sciences humaines », 2012.

13 Pierre-Michel Menger, Le travail créateur, S’accomplir dans l’incertain, Paris, Éditions Gallimard-Seuil, Collection « Hautes Études », 2009.

14 Antoine Bevort, Michel Lallement, Le capital social, Performance, équité, réciprocité, Paris, Éditions La Découverte, Collection « Recherches / Mauss », 2006.

15 Marcel Mauss, Essai sur le don, Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques (1925), Éditions Presses Universitaires de France, Collection « Quadrige Grands textes », 2007.

16 Mark Granovetter, Le marché autrement, Les réseaux dans l’économie, Paris, Éditions Desclée de Brouwer, Collection « Sociologie économique », 2000.

17 Karl Marx, Friedrich Engels, L’idéologie allemande (1846), Paris, Éditions Les Éditions sociales, Collection « Geme », 2014.

18 Michel Pinçon, Monique Pinçon-Charlot, Voyage en grande bourgeoisie, Journal d’enquête, Paris, Éditions Presses Universitaires de France, Collection « Sciences sociales & sociétés », 1997.

19 Michel Chevalier, Lettres sur l’Amérique du Nord, I, Paris, Éditions Charles Gosselin, 1836.

20 Michel Foucault, Naissance de la biopolitique, Cours au Collège de France (1978-1979), Paris, Éditions Gallimard-Le Seuil, Collection « Hautes Études », 2004.

21 Luc Boltanski, Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme (1999), Paris, Éditions Gallimard, Collection « NRF Essais », 2010.

22 Id.

23 Christophe Dejours, Travail vivant, t. II, Travail et émancipation, Paris, Éditions Payot, Collection « Petite Bibliothèque Payot », 2013.

24 Michel Foucault, Il faut défendre la société, Cours au Collège de France (1976), Paris, Éditions Seuil, Collection « Hautes Études », 1887.

25 Bernard Friot, L’enjeu du salaire, Paris, Éditions La Dispute, Collection « Travail et salariat », 2012.

26 Theodore Adorno, Minima moralia, Réflexions sur la vie mutilée (1951), Paris, Éditions Payot, Collection « Petite bibliothèque Payot », 2016.

27 Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage (1962), Paris, Éditions Pocket, Collection « Agora », 1990.

28 Hannah Arendt, L’humaine condition (1958), Paris, Éditions Gallimard, Collection « Quarto », 2012.

29 Karl Polanyi, La Grande Transformation, Aux origines politiques et économiques de notre temps (1944), Paris, Éditions Gallimard, Collection « Bibliothèque des sciences humaines, 1983.

30 Ronald Burt, Structural holes, The social structure of competition, Cambridge, Éditions Harvard University Press, 1992.

31 Jean-François Lyotard, La condition postmoderne, Rapport sur le savoir, Paris, Éditions Les Éditions de minuit, Collection « Critique », 1979.

32 Benjamin Grassineau, « Rationalité économique et gratuité sur Internet : le cas du projet Wikipédia », Revue du MAUSS, n° 35, 2010.

33 Id.

34 Marcel Mauss, Essai sur le don, Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques (1925), Éditions Presses Universitaires de France, Collection « Quadrige Grands textes », 2007.

35 Karl Polanyi, La Grande Transformation, Aux origines politiques et économiques de notre temps (1944), Paris, Éditions Gallimard, Collection « Bibliothèque des sciences humaines, 1983.

36 Jean-Jacques Rousseau, Contrat social (1762), Paris, Éditions Flammarion, Collection « GF », 2012.

37 Manuel Castells, L’ère de l’information, I, La société en réseaux (1998), Paris, Éditions Fayard, Collection « Sciences humaines », 2001.

38 Luc Boltanski, Ève Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme (1999), Paris, Éditions Gallimard, Collection « NRF Essais », 2010.

39 Barbara Stiegler, « Il faut s’adapter ! », Sur un nouvel impératif politique, Paris, Éditions Gallimard, Collection « NRF Essais », 2019.

40 Marcel Mauss, Essai sur le don, Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques (1925), Éditions Presses Universitaires de France, Collection « Quadrige Grands textes », 2007.

41 Pierre Dardot, Christian Laval, Commun, Essai sur la révolution au XXIe siècle, Paris, Éditions La Découverte, Hors collection, 2014.

42 Noëlle Monin, Herilalaina Rakoto-Raharimanana (dir.), Recherche & formation, n° 90 : « Nouveaux enseignants, enseignants nouveaux : la reconversion professionnelle dans le système éducatif », 2019.

43 Bernard Friot, L’enjeu du salaire, Paris, Éditions La Dispute, Collection « Travail et salariat », 2012.

Citer cet article

Référence électronique

Amaena Guéniot, « Réencastrer la production en réseaux », PasserelleSHS [En ligne], 1 | 2021, mis en ligne le 16 octobre 2021, consulté le 13 octobre 2024. URL : https://ouest-edel.univ-nantes.fr/passerelleshs/index.php?id=136

Auteur

Amaena Guéniot

Sophiapol - Université Paris Nanterre

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