Sources, données et cartographie.

Expérience partagée des réseaux de savoirs

DOI : 10.48649/pshs.129

Résumé

Cet article à quatre mains vise à interroger le processus d’élaboration, l’expérience et la pertinence des réseaux pour deux recherches, l’une en histoire moderne et l’autre en anthropologie. Il présente le passage d’un corpus d’archives à une cartographie de réseaux, en abordant notamment la qualification des données et les choix de représentation. D’un point de vue thématique, il montre l’intérêt et la méthodologie de la cartographie de réseaux pour interroger les interrelations intellectuelles et la circulation des savoirs. Cette dernière est problématisée à la fois comme thématique de ces travaux et interdisciplinarité par les outils et les notions. En tant que formalisation de cette collaboration, cet article revient également sur les partages de savoirs et de pratiques, ainsi que sur les circulations interdisciplinaires produites par cet intérêt commun pour les réseaux et pour le logiciel de cartographie Gephi.

Index

Mots-clés

anthropologie, cartographie, histoire, interdisciplinarité, méthodologie, réseaux, savoirs

Plan

Texte

« Parler de réseaux, c’est accepter de voir comment la réalité ne se dévoile jamais spontanément »1

Introduction

Loin d’être une idée conceptuelle, la circulation des savoirs s’observe concrètement à partir d’objets, d’institutions et d’acteurs qui participent à un partage de connaissances sous leurs diverses formes. Théories, textes, livres et poésies circulent grâce à des individus et à différents médias, dont les correspondances et les revues. Dans cet article, nous reviendrons sur l’élaboration et la mobilisation de l’approche en réseau dans nos recherches, ainsi que sur les résultats obtenus grâce à cette méthodologie. De façon transversale, nous analyserons la circulation des savoirs sous différents aspects : comme thématique commune à nos travaux, comme partage de connaissances entre deux chercheuses et comme interdisciplinarité par les outils et les notions. Alors que la notion de réseau réfère à l’ensemble des relations interindividuelles constitutives d’un ensemble social, celle de cartographie se conçoit comme une représentation de données à l’aide d’outils mathématiques. La visualisation, quant à elle, correspond à une représentation graphique de cet ensemble. D’une part, l’un des objets de recherche présenté est l’académie d’Arcadie en Italie au XVIIIe siècle2, étudiée par la mise en place et la pérennisation de cette institution unique à partir des hommes et femmes de lettres qui la composent. Fondée initialement à Rome en 1690, son originalité provient de la création de 103 implantations locales, nommées colonies, situées majoritairement dans les villes italiennes, et par la réunion de 9 633 membres au cours du siècle. Cette configuration institutionnelle a suscité un fort intérêt pour la notion de réseau puis pour une mise en pratique par la cartographie. Dans les graphes de cette recherche, les nœuds représentent des individus affiliés à l’Arcadie et les liens correspondent à des relations soit par un échange épistolaire, soit par la citation de ces individus dans les lettres. D’autre part, la seconde recherche porte sur la construction de l’intelligence artificielle comme discipline à partir des passages entre science et science-fiction des années 1930 à 19903. À partir d’une anthropologie des savoirs, elle propose une étude des réseaux autour de différents acteurs comme Isaac Asimov (1920-1992) et Marvin L. Minsky (1927-2016) afin d’interroger la circulation des imaginaires entre des acteurs historiques du développement de l’Intelligence Artificielle (IA) et de la Science-Fiction (SF). Ici les nœuds correspondent aux auteurs de SF et aux chercheurs en IA et les liens aux relations qu’ils entretiennent ; les institutions et groupes sont également présents en tant que nœuds et les liens figurent l’appartenance d’un acteur à ces lieux. Éloignées spatialement et temporellement, ces deux recherches se retrouvent sur la question de la circulation des savoirs, des réseaux savants et plus largement de la formation des « milieux intellectuels »4. Pour éviter la dichotomie entre l’individu et le groupe, nos réseaux sont conçus comme des « milieux », notion qui met les relations au cœur des échanges intellectuels, sans prédéfinir une « conception spécifique des formes d’agrégation sociale »5. Bien que ces énoncés, à savoir l’intelligence artificielle, la science-fiction, la littérature ou l’écriture épistolaire, n’aient pas le même statut épistémique, ils permettent de penser la constitution des réseaux intellectuels et les dynamiques de circulation et d’échanges. La diversité de ces énoncés et objets offre l’opportunité de croiser les approches et d’étendre les réflexions sur la thématique commune de la circulation des savoirs. D’un point de vue méthodologique, la cartographie de réseaux nous sert à interroger la dimension relationnelle des institutions et des champs de savoirs : les nœuds sont pensés comme des individus porteurs d’une histoire singulière, plus que comme des « data ». Dans un premier temps, nous analyserons le passage d’un corpus brut à la cartographie de réseaux. Ensuite, nous présenterons notre pratique de l’analyse de réseau et son intérêt pour nos recherches. Enfin nous reviendrons sur les perspectives interdisciplinaires qu’offre cet outil et sur ses limites, liées à l’impossible exhaustivité des sources et à la mathématisation du social.

De la collecte des sources à la visualisation cartographique

Constituer un corpus

Pour comprendre comment ces réseaux s’organisent et les représenter par la cartographie, la première étape de nos recherches a été de constituer un corpus. Nos corpus rassemblent des documents de différents types (lettres, revues, ([auto]biographies etc.) qui permettent d’analyser ces objets par leurs acteurs. Constituer un corpus implique la création d’une cohérence interne des différentes sources mobilisées dans un but défini par la problématique de recherche. Pour la recherche sur l’Arcadie, le corpus est composé de 3 138 lettres manuscrites recueillies dans différentes bibliothèques italiennes6. Les lettres offrent un accès privilégié aux relations et permettent à la fois de s’intéresser à la forme et à l’intensité des liens entre l’expéditeur et le destinataire, et de reconstituer des réseaux égocentrés en analysant systématiquement les personnes citées dans les lettres, ce qui sera analysé ci-après. Les lettres sont une entrée pour analyser les relations entre les colonies et le siège romain de l’Arcadie et sont un moyen d’action pour la constitution de ce vaste réseau académique. Mais ce corpus n’a pas servi dans son intégralité pour ce qui est l’objet de cet article : la cartographie de réseau. La cartographie était une forme d’expérimentation qui est arrivée au milieu de la recherche. Elle était un moyen de rendre mieux compte de l’« espace relationnel »7 de l’Arcadie, c’est-à-dire des interrelations constitutives de cette institution, mais n’était pas une finalité. Avec plus de 9 600 membres entre 1690 et 1800 et des sources fragmentaires, il était impossible de rendre compte d’un réseau complet et de réaliser une cartographie de réseaux exhaustive sur l’ensemble des relations. Le choix fait a été donc de centrer l’étude sur quatre épistoliers privilégiés, c’est-à-dire des individus qui écrivent beaucoup plus densément et régulièrement, en étudiant les personnes citées dans leurs lettres. Ces listes ont ensuite été croisées avec deux inventaires pour lier des individus en lien à la fois avec l’épistolier les citant, et avec les lettres reçues par le gardien de l’Arcadie, Giovan Mario Crescimbeni (1663-1728), et avec celles d’un grand lettré florentin contemporain, Antonio Magliabechi (1633-1714) (figure 1 « Cartographie des milieux arcadiques »). Ce corpus a été constitué à partir d’une méthodologie classique dans la recherche en histoire et a servi de base à une ouverture à une nouvelle méthode d’analyse : la cartographique de réseaux. Nous rejoignons ainsi Frédéric Clavert et Valérie Schafer qui considèrent qu’associer les humanités numériques avec des méthodes classiques de la recherche en histoire est un « processus » ou une « expérimentation » qui, par son aspect quelque peu « artisanal », pousse « la discipline historique à une ouverture de ses coulisses, ainsi qu’à un regard réflexif renouvelé sur ses productions »8. D’une certaine façon, la cartographie de réseaux repousse les limites de la discipline dans laquelle s’inscrivent ces recherches – ici l’histoire et l’anthropologie – par l’acte d’expérimenter une nouvelle forme d’écriture et d’analyse complémentaire au texte.

Par ailleurs, l’approche en réseau d’un terrain anthropologique se fait généralement par le prisme des terrains virtuels ou numériques : elle permet de figurer un terrain vaste et parfois peu palpable9 et de rendre compte de circulations d’objets ou d’acteurs dans divers milieux. Comme précisé précédemment, l’analyse en réseau dans la thèse sur l’IA & la SF questionne la circulation d’imaginaires entre l’intelligence artificielle et la science-fiction. Le terrain se fait par une approche historique des années 1930 jusqu’au début des années 1990 et concerne principalement le nord-est des Etats-Unis, plus précisément Boston et New York. Cette précision spatio-temporelle est dictée par le sujet lui-même, car les différents acteurs, scientifiques comme auteurs, y résident. L’observation de ces proximités a été le point de départ de la constitution du corpus, qui est toujours en cours et sa présentation en sera donc partielle. Il est constitué de trois types d’éléments : les sources fictionnelles (romans, nouvelles ou même films de SF), des productions scientifiques (articles, ouvrages, conférences, etc.) et des productions plus hybrides et communes aux différents acteurs : lettres, [auto]biographies. Ces documents mettent en lumière différents niveaux de relations, qu’ils soient d’ordre scientifique avec les citations et les bibliographies, les échanges d’articles ou les relectures, d’ordre social (correspondances ou événements) et enfin de l’ordre de l’imaginaire avec la perméabilité des concepts et des idées entre science et fiction que l’on retrouve dans des interviews ou des productions littéraires. En travaillant sur l’aspect historique et la naissance de l’IA et de la SF, on note des dates et lieux communs, en d’autres termes une « généalogie commune ». Parler de généalogie commune c’est comprendre comment une discipline, l’IA et un courant littéraire, la SF, apparaissent quasiment au même moment, se construisent en parallèle l’une de l’autre et parfois se croisent. Cette généalogie partagée, une fois mise en évidence, permet de questionner les éléments favorisant cette émergence commune ainsi que la construction d’imaginaires partagés. L’idée d’aborder cet objet par l’analyse de réseau n’est venue que dans un second temps. Certains acteurs ont commencé à apparaître dans les deux champs (scientifiques et fictionnels) et à évoquer des individus n’appartenant pas à leur catégorie. Le premier à mettre sur cette voie est l’auteur Isaac Asimov qui, dans son autobiographie10, cite un certain nombre d’anecdotes concernant des scientifiques. Après cette lecture, la première hypothèse était qu’il était acteur pivot dans ce qui pourrait être un réseau relationnel. Le travail de composition du corpus, la recherche de diverses sources et par la suite le travail de visualisation de données ont fait revoir cette hypothèse : c’est en fait un autre acteur, Marvin L. Minsky, informaticien, qui est alors apparu comme un intermédiaire essentiel entre la communauté scientifique et fictionnelle.

Tableau 1 : comparaison des deux corpus

Arcadie IA-SF
Type d’archives Lettres Sources fictionnelles (romans, nouvelles, films) Productions scientifiques (articles, ouvrages, conférences, etc.) Productions hybrides : lettres, (auto)biographies
Sélection des données pour la cartographie de réseaux Partielle, par certains épistoliers Totale, les différentes sources servent à compléter ce réseau.
Type de réseau Égocentré Complet
La place de l’analyse de réseaux dans la recherche globale Complémentaire : expérimentation visant à une analyse complémentaire des milieux arcadiques Complémentaire : outil servant à modéliser un réseau complet pour comprendre les passages entre différents champs, entre l’IA et la SF.
Méthode de traitement Tableur Base de données

Bien que ces corpus soient composés de différents matériaux et portent sur un espace-temps distinct, ils se rejoignent sur l’intérêt porté aux acteurs, aux interrelations et aux milieux intellectuels. Les acteurs au cœur de ces études produisent des objets littéraires et textuels (fiction, article scientifique, poésie etc.). De plus, ils font partie de différents champs des savoirs, principalement la littérature et la science. Ainsi les auteurs de SF comme les chercheurs en IA circulent dans des milieux différents (universités, clubs de lecture et d’écriture, laboratoires, plateaux de tournage…) tandis que les Arcades n’entrent pas dans des catégories disciplinaires en raison de ce que Stéphane Van Damme nomme « l’ancien régime des savoirs » : en d’autres termes, les sciences ne sont pas pensées comme « un bloc de disciplines en gestation mais envisagées comme un système de circulation de problèmes et des pratiques savantes d’un champ à un autre »11.

Quand les archives deviennent des données

Ainsi, ces corpus peuvent être étudiés avec différentes méthodes ; l’analyse de réseau et l’approche par les relations sont un choix de représentation. Par exemple, les lettres et les autobiographies contiennent des informations sur les relations si on les regarde d’une certaine façon : si l’on s’intéresse plus particulièrement à des objets (livres, poésies, articles scientifiques) échangés entre différentes personnes, les relations ne seront pensées que de façon périphérique. À l’inverse, si les relations importent plus que les objets, la dimension relationnelle sera centrale dans ces mêmes corpus. L’approche en réseaux se construit en fonction des questions que l’on pose à ses sources et relève de différentes pratiques12. De fait, le passage d’un corpus à des données relationnelles nécessite une réflexion préalable sur ce que l’on veut montrer par une analyse en réseaux. Pour transformer, si l’on peut dire, ces matériaux bruts en données, nous partons à la recherche des noms propres qui formeront les nœuds de nos réseaux. Le nom propre sert de « fil d’Ariane […] dans le labyrinthe des archives »13 et est essentiel dans la construction d’une base de données. Cette attention particulière aux noms propres participe ainsi à penser ces corpus par les relations et l’(en)jeu devient ainsi de lier ces noms, qui sont des nœuds en devenir, entre eux.

Une fois le travail de récolte effectué il faut ordonner ses données, les classer, les qualifier. Dans nos travaux, nous nous sommes rendu compte que la base de données, qu’elle soit créée sur un support simple comme un tableur ou via des outils plus complexes de gestion de données relationnelles, avait l’avantage d’être polyvalente : elle offre un système de classement et d’archivage mais est surtout un outil de requête pour faire émerger des relations, des statistiques et toutes autres formes d’analyses de données brutes que l’on pourrait exploiter via d’autres logiciels ou méthodologies. De plus, un corpus de milliers de lettres ne demandera pas les mêmes outils que l’analyse d’interrelations entre des utilisateurs de Twitter, tout comme un chercheur peu familier à l’utilisation de langages de requête structuré (SQL14) ne se tournera pas vers les mêmes outils qu’un chercheur plus avisé. Si le choix des outils peut évoluer en fonction des besoins et des apprentissages, celui de la conception même de la base reste une étape importante voire cruciale.

Cette étape demande de décortiquer toutes les informations brutes qui émanent du corpus étudié. Dans le cas de l’utilisation d’un tableur, cette étape sera moins détaillée et le tableur pourra être modifié au fil de l’eau, jusqu’à une certaine limite. Les quantités de données amassées et les limites des fonctionnalités ou des connaissances de l’utilisateur peuvent être un frein à cette étape de mutation du tableur. La facilité d’accès du tableur a permis dans le cas du corpus sur l’Arcadie de développer rapidement un outil fonctionnel qui répondait aux besoins de la recherche et du travail dans les archives, c’est-à-dire pouvoir inventorier les lettres, les retranscrire, les traduire, les classer et y ajouter un certain nombre d’informations, tel que la date, l’expéditeur, le destinataire, la localisation etc. Cette utilisation permet de créer une fiche d’identité du document d’archive et d’appréhender en une simple lecture toutes les informations qui lui sont liées. On peut ensuite grâce à la création d’autres tableurs mettre en relation ces lettres ou leur auteur.

Pour l’utilisation de base de données relationnelle, la démarche est légèrement différente. Il faut, dans un premier temps, dessiner cette base pour pouvoir créer les différentes tables qui vont la composer, penser les différentes relations entre les diverses tables et ordonner tout cela. Cette première étape permet de formaliser les données recueillies et de les penser dans leur ensemble. Dans le cas du corpus IA & SF, la question de créer une table des universités ou de l’intégrer dans la table biographique s’est posée telle quelle : est-ce une simple information, ou permet-elle de comprendre la construction des relations entre les divers acteurs ? Voire même les institutions ne deviendraient-elles pas des actrices du réseau ? Questionner chaque type d’informations de cette façon au moment d’élaborer et de dessiner sa base permet d’ouvrir de nouvelles perspectives et pistes de recherche, qu’une analyse qualitative plus classique n’offre pas. Pour des données liées à des acteurs, un tableur permet de classer et mettre toutes les informations biographiques sur le même plan, et ainsi de cerner l’ensemble en un seul coup d’œil, alors qu’une base de données relationnelle offre la possibilité d’organiser ces informations biographiques de façon non linéaire et de faire émerger d’autres relations et manières d’interroger les données.

Pour ces deux thèses, il est question de rendre compte de la circulation des savoirs dans des milieux lettrés et scientifiques, mais également de cartographier et d’analyser des réseaux d’interconnaissances. Cela est possible au moment de la transformation des matériaux recueillis sur le terrain en données informatiques que l’on va pouvoir traiter et encoder mais également y associer des métadonnées, c’est-à-dire des données sur la donnée. Ce travail repose sur la catégorisation et la qualification des futurs nœuds et liens du réseau.

Des données à la cartographie de réseaux

Traiter les données via la cartographie de réseaux demande de qualifier les liens entre les acteurs du réseau étudié. Les liens des académiciens d’Arcadie n’ont pas été qualifiés selon les différents types de relations mais ont été pondérés en fonction de la quantité d’échanges épistolaires catalogués. D’autre part, pour le réseau IA & SF, la démarche est différente plusieurs types de lien ont été différencié sans pour autant les qualifier au départ de façon très détaillée avec des notions comme co-auteur, consultant, connaissance, en couple, amis, etc. Ces qualifications se sont formalisées en trois catégories relationnelles : travail, intimité (amitié ou relation de couple) et connaissance, utilisées en cas d’informations ou de matériaux à propos des liens.

Ce travail de qualification peut également être fait sur les nœuds. Les nœuds représentant les académiciens d’Arcadie ont été qualifiés par les lieux d’affiliation (ville, lieu d’affiliation) pour rendre compte de la circulation des savoirs et des objets entre individus en rendant visible la dimension territoriale et l’inscription dans un espace géographique. Ainsi, la figure 1, intitulée « Cartographie des milieux arcadiques », est issue de l’étude des personnes citées des quatre épistoliers privilégiés, croisée ensuite avec les inventaires des lettres reçues par Giovan Mario Crescimbeni et par Antonio Magliabechi. Le graphe, composé de 280 noeuds et de 576 liens, a d’abord été réalisé avec la visualisation Multigravity Force Atlas 2 :

Figure 1 : Cartographie des milieux arcadiques

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Afin d’accentuer la dimension spatiale, cette cartographie de réseaux a été combinée à une carte par géolocalisation en utilisant le plugin Geo Layout15 sur Gephi, comme le montre la figure 2 « Spatialisation de la cartographie des milieux arcadiques » :

Figure 2 : Spatialisation de la cartographie des milieux arcadiques

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Pour le réseau IA & SF, deux types de nœuds ont été qualifiés : les rassemblements d’individus (institutions, clubs de lectures, groupes de travail, etc.) et les acteurs eux-mêmes. Ces derniers sont définis en fonction de quatre catégories d’appartenance : les scientifiques, les auteurs, les auteurs avec une formation scientifique, les scientifiques qui sont également auteurs. Ces choix permettent de mettre en évidence par des jeux de couleurs les types de nœuds présents dans la cartographie de réseaux et offrent ainsi la possibilité de comprendre la circulation des imaginaires et des savoirs entres les acteurs et via certains groupes. Par exemple le nœud MIT16 (voir figure 4 « Réseaux d’interconnaissances SF-IA ») via les liens entre cette institution et les acteurs révèle un brassage entre différentes catégories d’acteurs du réseau, ce qui n’est pas le cas pour d’autres nœuds tels que les clubs de lecture. Ce travail de catégorisation se fait en amont de la cartographie, au moment de l’élaboration de la base de données : le choix s’opère lorsqu’on a déterminé ce que l’on voulait interroger. Ce tableau comparatif permet de résumer la méthodologie employée dans la cartographie de réseaux de ces deux recherches :

Tableau 2 : Comparaison des deux méthodologies de cartographie

Arcadie IA-SF
Choix Nœuds Qualification Personnes citées dans les lettres des épistoliers privilégiés Personnes citées dans les lettres, les autobiographies et les co-auteurs
ActeursLieu d’affiliation à l’Arcadie ActeursRassemblements d’individus (institutions, clubs de lectures, groupes de travail, etc.).
Choix Liens Qualification Liens établis selon leur citation dans les lettres ou comme correspondant Liens établis selon la qualification par les acteurs et par déduction selon le contexte et le manque d’informations
Sans qualification 3 catégories relationnelles : travail, intimité et connaissance
Visualisation Force Atlas 2 Geo Layout Force Atlas 2
Objectif Comprendre les interrelations entre les milieux arcadiques dans un contexte spécifique et à partir de réseaux égocentrés Comprendre les personnes et institutions qui font passerelle entre les cercles et les milieux et qui jouent la fonction de hub
Nombre de graphes réalisés 4 distincts 1 global

Martin Grandjean, dans un article sur les utilisations de la visualisation de données, résume assez bien le piège dans lequel le chercheur peut tomber en découvrant la cartographie de réseau : l’attractivité visuelle ne doit pas passer en premier plan et effacer la nature des données qui servent à composer un graphe17. Elle n’est pas une fin en soi et ne se suffit pas à elle-même. Il doit y avoir une analyse et, évidemment, elle doit se justifier. Mais au-delà de cela, choisir une visualisation de données entraine des choix méthodologiques voire épistémologiques. De plus, l’esthétisation d’un réseau peut être également un enjeu épistémologique dans la diffusion et la médiation d’une recherche. Tout comme la cartographie classique, celle-ci implique également une justification scientifique et pose forcément des limites, qu’elle soit de compréhension ou d’informations restituées. L’intérêt d’une infographie ou d’une illustration réside dans le fait de pouvoir délivrer une information, ou d’offrir un support de compréhension en plus du texte qui l’accompagne. Elle permet également « d’enrober » les données brutes dans une couche esthétique pour qu’elles soient plus facilement assimilables. Cette notion d’esthétisme peut devenir un enjeu de présentation et de lisibilité. Un choix de couleur de nœuds et de liens, de police ou d’association de couleurs s’avère crucial pour la lecture d’un graphe complexe. Sans tomber dans la sur-esthétisation de la donnée il convient d’au moins produire un graphisme ergonomique. Cette question est souvent mise de côté dans la recherche scientifique, lorsqu’elle ne rentre pas dans un cadre de médiation vers le grand public, et peut être un frein de compréhension et d’appréhension des résultats. Cela reste évidemment au second plan d’une analyse riche qui viendra supporter et expliquer ces résultats en partie restitués graphiquement. L’esthétisation de la donnée scientifique peut également être un piège si elle tend à dominer et à guider les choix méthodologiques de construction du réseau. Elle ne doit être qu’un outil de transmission au service de la recherche et ne doit pas devenir un but mais bien un moyen. Tout comme l’enjeu technologique, ce principe esthétique reste un frein à l’utilisation d’outils numériques par la communauté scientifique. L’enjeu des humanités numériques devient crucial pour les recherches en sciences sociales et un levier important pour ouvrir de nouvelles perspectives de recherche. A ce sujet, Nicole Dufournaud décrit le principe de visualisation de données comme un moyen de faire émerger des questions, comme un outil exploratoire qui permet de « détecter des phénomènes inattendus »18. Ainsi, l’exemple de nos deux recherches et de l’utilisation de ce genre d’outils dans des disciplines différentes offre une illustration de ces nouveaux enjeux mais également de l’intérêt d’une approche en réseau pour différents objets.

Pratiques de l’analyse de réseau 

Intérêts de l’approche en réseau

À présent, nous souhaitons revenir sur notre pratique de la cartographie de réseaux et sur l’intérêt de cette approche. Dès le début de la recherche doctorale sur l’Arcadie, la notion de réseau est apparue fondamentale pour plusieurs aspects. Tout d’abord, elle a été sollicitée de façon théorique pour penser la formation institutionnelle de cette académie unique à l’époque moderne. Loin d’un usage métaphorique19, cette notion a permis d’analyser cette institution dans son ensemble afin de comprendre les formes de relations qui unissent ses pôles. De plus, le corpus étant des lettres, cette notion a été convoquée par l’expression de « réseau épistolaire »20, pour comprendre les dynamiques d’échanges, les circulations et les relations à distance existantes au sein de l’Arcadie. Déployée à travers ses différentes acceptions, cette notion a été aussi associée à celle d’« espace relationnel », analyse dans laquelle l’Arcadie a été étudiée d’un niveau « méso », soit celui des relations entre académiciens. C’est ici qu’est intervenue la cartographie de réseau ; elle est venue compléter des analyses qualitatives sur les sociabilités académiques et sur les formes de relation, en soulignant l’importance des interrelations et des liens entre académiciens. Pour la recherche sur la SF & l’IA, l’intérêt de l’approche en réseau pour comprendre l’émergence d’une discipline telle que l’IA est de modéliser et d’appréhender l’importance des interconnaissances dans la diffusion des savoirs et des idées. Elle fait aussi apparaître les influences « parasites », au sens qui n’appartiennent pas à la science, et qui viennent influencer les chercheurs, ici la littérature de SF. Une fois ces deux pôles d’influence mis en évidence grâce au réseau, on peut s’interroger sur « l’œuf ou la poule », c’est-à-dire qui de l’IA ou de la SF est précurseur dans l’imaginaire et les idées. Si les auteurs s’inspirent des découvertes des scientifiques, comme par exemple le premier robot animal en 1915, la science, elle, emprunte le vocabulaire à la fiction comme pour le mot « robot » imaginé en 192021 ou « robotique » en 194122. Cette approche offre également un outil pour dévoiler l’hybridité de certains acteurs qui viennent flouter et interroger les notions de catégories pensées au départ : il n’y a plus deux groupes d’acteurs distincts mais des groupes où l’on peut passer de l’un à l’autre. Nous retrouvons soit des auteurs de SF avec une formation scientifique soit des acteurs hybrides qui appartiennent aux deux groupes, c’est-à-dire qu’ils sont à la fois scientifiques et auteurs de SF. La notion de réseau permet donc d’appréhender la porosité entre les groupes et d’interroger l’importance des acteurs hybrides dans la circulation des idées et des imaginaires.

De plus, pour la recherche sur l’Arcadie, la cartographie de réseau a permis d’apporter une nouvelle compréhension de l’espace relationnel de cette académie. Par cette méthode, des relations et des groupes peu visibles par une seule analyse qualitative ont été mis en évidence. Prenons l’exemple du cas florentin, méconnu en raison d’une absence d’archives institutionnelles : l’Arcadie n’a pas de colonie à Florence, mais seulement une « campagne », apparue en 1703, c’est-à-dire un ensemble d’Arcades admis non pas à Florence mais à Rome, qui est beaucoup moins formalisé (aucune liste de membres, pas d’obligation de tenir des réunions académiques, etc.). Pourtant, les correspondants florentins de Giovan Mario Crescimbeni (1663-1728), premier gardien général de l’Arcadie résidant à Rome, sont actifs et entretiennent des relations épistolaires et des échanges de livres avec Rome. Il s’agit de Pier Andrea (1639-1719) et de son fils Francesco (1674-1708) Forzoni Accolti, représentants de la campagne florentine. De fait, pour pallier ces lacunes archivistiques et historiographiques, l’analyse de réseaux s’est révélé être un outil pertinent pour comprendre la constitution de ce groupe florentin par l’étude des personnes citées dans leurs lettres écrites à Crescimbeni23. L’étude des personnes citées dans les lettres offre l’opportunité de connaître des relations dépassant la simple dyade entre l’expéditeur et le destinataire. Cette première étape a été concluante par la constitution d’un groupe de 32 Arcades florentins gravitant autour des Forzoni Accolti. Recenser les personnes citées permet aussi d’avoir accès aux formes d’interrelations par une analyse qualitative : « J’ai rencontré », « j’ai écrit à », « j’ai reçu une lettre de » ou « j’ai entendu parler de » rendent compte de formes relationnelles variées et d’une proximité ou au contraire d’une distance, spatiale mais aussi relationnelle, entre les individus. Pour réaliser ces cartographies de réseaux, une des possibilités pouvait aussi être de rendre compte de la fréquence de citations des noms pour comprendre la force ou au contraire faiblesse des relations. Cependant, l’objectif était d’apporter une visualisation de ce milieu arcadique florentin et de comprendre ses relations avec Rome et avec d’autres Arcades de la péninsule en précisant les lieux d’affiliation à l’Arcadie par la couleur des nœuds, comme le souligne la figure 3 intitulée « le réseau arcadique des Forzoni Accolti » :

Figure 3 : Le réseau arcadique des Forzoni Accolti

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Ainsi, la cartographie de réseau rend compte d’un ensemble de relations, d’interconnaissances, de réseaux personnels, de leurs nœuds communs, que sont des individus en position d’intermédiarité. Elle permet même d’avérer ou de réfuter des hypothèses sur la place qu’occupent certains individus dans le réseau. En effet, comme évoqué plus tôt dans la présentation du corpus IA & SF, les intuitions de départ plaçaient Isaac Asimov en position d’intermédiarité. Or, elles ont été contredites par la visualisation des données. Sa correspondance archivée et documentée par son frère24 a été, avec l’une de ses autobiographies25, le point de départ et le déclic pour penser cette thèse en réseau. D’après les données récoltées au fil des lectures et des relations établies entre les différents acteurs, l’idée initiale était qu’Asimov s’imposait comme le personnage central du réseau et surtout permettait de faire le lien entre le monde scientifique et fictionnel. Il fait partie des personnages les plus « sociables » du réseau, étant présent aux conventions littéraires comme aux conventions scientifiques, invité à parler des dernières découvertes scientifiques et même vanté comme un vulgarisateur de génie. Cette proximité peut s’expliquer par ses études et sa brève carrière de chimiste. Découvrant des nouveaux nœuds au fil des lectures « asimoviennes » on s’est rendu compte que, s’il était étroitement connecté à la communauté scientifique de son époque, il l’était peu à la communauté informatique. Le livre publié de ses correspondances26 s’avère très succinct, ne donnant pas l’intégralité des lettres et souvent ne citant pas le correspondant. Ne pouvant pas accéder à ses archives personnelles, conservées à la Boston University, il a fallu choisir de s’intéresser à un autre acteur de ce réseau : Marvin L. Minsky, père fondateur de l’IA (en tant que discipline), s’est imposé naturellement, de par l’importance de son travail en informatique. C’est en remontant le fil de ses liens et de ses relations avec les acteurs scientifiques et fictionnels de son époque que le réseau a offert de nouvelles perspectives. S’il est moins connecté avec diverses personnalités, il est étroitement lié avec la communauté informatique et mathématique, ce qui paraît logique, mais surtout avec la communauté fictionnelle. Il est alors apparu comme un nœud pivot, un intermédiaire, qui permet aux deux communautés de dialoguer. Consultant sur des films, amis avec un certain nombre d’auteurs il devient un personnage central dans la compréhension de la circulation des idées et des représentations. Sans la visualisation de données, en ne restant que sur de l’analyse première et classique de données, il n’aurait pas été possible d’identifier ce renversement de situation. Le nombre de données accumulées ont dans un sens aveuglé, et la médiatisation d’Asimov a également créé un biais pour la compréhension du réseau et de sa structure. Ainsi, ce graphe, « Réseaux d’interconnaissances SF-IA » (figure 4), souligne l’importance de M.L. Minsky comme intermédiaire :

Figure 4 : Réseaux d’interconnaissances SF-IA

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Acteurs du réseau

Dans nos recherches, les cartographies de réseaux ont permis de clarifier des données complexes, notamment par l’identification de personnes-clés du réseau, situées en position d’intermédiarité. Les intermédiaires sont des « points de passages obligés » pour d’autres individus, d’autant plus si leurs connaissances ne sont pas connectées entre elles : ils se trouvent en position de « centralité d’intermédiarité »27. Dans le cas de l’Arcadie, certains individus sont des intermédiaires facilement identifiables entre Rome et les colonies : il s’agit des vice-gardiens élus pour cette fonction. Ils assurent les échanges et les correspondances avec Rome, et centralisent les demandes d’admissions ou les requêtes des Arcades de leur colonie. D’une certaine façon, une cartographie de réseaux n’est pas utile pour expliquer ce schéma. Mais d’autres individus, sans fonction officielle, se retrouvent au cœur du réseau arcadique par leurs relations personnelles avec d’autres académiciens. La cartographie permet ainsi de rendre visible des individus situés en position de « centralité d’intermédiarité » ainsi que leurs relations. Identifier ces intermédiaires est complexe en raison de la densité des informations contenues dans ces corpus. Par une cartographie de réseaux, ils apparaissent de façon beaucoup plus visible. Ces intermédiaires peuvent également être perçus comme des « passeurs »28 entre différentes disciplines, milieux intellectuels ou pratiques. Ainsi, ces deux notions, de position de « centralité d’intermédiarité » ou de « passeur », permettent d’interpréter de façon qualitative ces graphes et de mieux comprendre la place qu’occupent certains individus dans des réseaux intellectuels. Ainsi, la figure 1 rend visible ce groupe de « passeurs », qui se trouve dans le triangle formé par les nœuds d’Antonio Magliabechi, de Giovan Mario Crescimbeni et de Maioli d’Avitabile.

Les nœuds du réseau sont aussi des outils biographiques. Au-delà de la représentation d’un acteur au sein d’un réseau, avec une vision macro de l’individu dans son milieu et de ses différentes relations, l’utilisation du nœud comme objet biographique peut être une approche complémentaire. Au moment de la constitution de la base de données – et c’est pourquoi il est important de bien la penser au départ – les métadonnées biographiques associées à un individu peuvent devenir, via les outils de cartographie, des éléments de contexte propres à chaque personnalité. Ces nœuds ne doivent pas être réduits au seul nom de l’individu car on peut y renseigner ses dates de vie, son pays d’origine, sa bibliographie complète, ses centres d’intérêt, ses thèmes de prédilection etc., comme le montrent les figures 5, « Notice biographique interactive de Isaac Asimov », et 6, « Notice biographique interactive de Marvin L. Minsky » :

Figure 5 : Notice biographique interactive de Isaac Asimov

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Figure 6 : Notice biographique interactive de Marvin L. Minsky

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Le graphe devient alors une extension visuelle de la base de données et permet de faire des recherches relationnelles non plus par les liens mais par les métadonnées qui constituent le nœud. Cette approche offre la possibilité d’une analyse qualitative par des outils du quantitatif car, même si les informations recensées restent non exhaustives, elles permettent de développer un nouvel outil d’écriture et une manière innovante de raconter les individus au-delà de la donnée mathématique. Elle a également un intérêt lorsqu’on observe la circulation des idées ou des imaginaires dans des réseaux composites comme les nôtres. Pouvoir identifier les individus d’un même réseau, ayant travaillé sur les mêmes thèmes mais dans des disciplines ou formes différentes, permet d’observer comment et par quoi passe cette circulation : l’analyse de graphe prend alors de nouvelles dimensions et permet de se détacher de la simple visualisation graphique en détournant l’outil. Cela est d’autant plus valable que l’utilisation d’outils comme Gephi permet d’exporter ces différentes données de façon dynamique et de les partager en ligne. Le graphe devient un « objet frontière »29 qui permet de transmettre de l’information au grand public et/ou à ses pairs. On peut ainsi naviguer dans un graphe complexe, zoomer, dé-zoomer et obtenir toutes les informations d’un nœud en cliquant dessus. Ces informations, qui proviennent du travail réalisé en amont sur la base de données, rendent ainsi possible un autre niveau de lecture des métadonnées compilées au départ. La visualisation graphique de résultats scientifiques devient ludique et permet de passer de nœuds en nœuds en découvrant, par exemple, la biographie ou la bibliographie des acteurs d’un réseau et ainsi comprendre ce qui fait le réseau au-delà des individus. Les nœuds deviennent des notices biographiques et bibliographiques qui, s’ils sont en plus reliés à des liens hypertextes, permettent soit de relier les individus par de nouveaux liens, par exemple sur les thèmes qu’ils affectionnent, soit de renvoyer le lecteur sur une biographie plus détaillée, comme il le ferait en consultant un site tel que Wikipédia30. Cette manière de naviguer entre les nœuds, et donc entre les biographies, permet de faire circuler le savoir entre le chercheur et le lecteur. Nous sommes face à un jeu d’échelle intéressant et réflexif : nous décrivons un réseau où circule le savoir. Nos outils permettent de faire circuler ces savoirs en dehors de la sphère académique et, pour ce faire, nous collaborons entre chercheurs pour partager nos savoir-faire.

Aux frontières d’un outil interdisciplinaire

Perspectives interdisciplinaires 

L’interdisciplinarité par les outils découle de l’émergence des humanités numériques et du rapprochement des disciplines en Sciences Humaines et Sociales (SHS) et de l’informatique. Ce rapprochement a permis de développer des outils informatiques spécifiques pour la recherche en SHS. Ils offrent de nouvelles perspectives à ces travaux, une « révolution numérique »31 pour ces disciplines qui facilite la collaboration inter et pluridisciplinaire. Les outils de la cartographie de réseau, de la base de données au logiciel de visualisation ont été le moteur de notre travail commun et des échanges entre nos disciplines respectives. C’est ce travail étroit, quelque peu expérimental, sur les outils, qui a forgé nos échanges. Ces échanges méthodologiques et disciplinaires nous ont également offert la possibilité de penser à la diffusion de nos résultats sous différentes formes : création de bases de données partagées en ligne, visualisations dynamiques avec biographies intégrées, etc. Cette expérimentation par les outils et la diffusion des résultats peut s’inscrire dans l’anthropologie numérique que définit Antonio Casilli, et qui permet le partage et la mise en ligne des analyses anthropologiques, et offre une restitution sous des formes numériques32.

Bien que nos objets de recherche soient éloignés, certains points de croisement thématiques sont aussi visibles. Par ces réseaux relationnels, nous abordons la circulation des savoirs, les passages et les formes d’échanges et de sociabilités intellectuelles. Dans nos deux études, les savoirs s’inscrivent dans des territoires et circulent au sein de réseaux plus ou moins institués. Comme l’analyse Christian Jacob, les savoirs font partie d’une « entreprise partagée » et ils sont un « lien social qui assigne des positions et des tâches, qui attribue des fonctions et qui reconnaît des spécialités, contribuant de la sorte à la définition de normes et de programmes, à la réalisation d’opérations complexes, comme la diffusion dans le temps et dans l’espace, par l’enseignement ou par la transmission »33. Leur circulation s’organise par des « vecteurs concrets » que sont à la fois des objets comme des discours ou des textes, ou des acteurs, et elle s’inscrit dans des « configurations spatiales » (politiques, économiques, religieuses, etc.)34. Les académies et les laboratoires apparaissent ainsi comme des points institutionnalisés de circulation des savoirs, qui participent d’un maillage complexe entre institutions (universités, bibliothèques, etc.) lieux informels de rencontres (salons, clubs de lecture, conversations, cafés, etc.) : il s’agit ainsi de réseaux organisés par des « lieux de savoir ». De même, les individus de nos réseaux font figure de « passeurs » entre champs disciplinaires et contribuent ainsi à une porosité entre groupes. D’une part, ces individus circulent, se rencontrent et s’écrivent, ce qui favorise des échanges de connaissances et d’informations. À ce titre, les académiciens d’Arcadie sont libres de circuler entre différentes colonies (ou entre Rome et des colonies) : cette mobilité renforce ainsi le réseau institutionnel de l’académie et participe à des rencontres entre ces Arcades originaires de différentes villes. Plus généralement, cette porosité entre groupes et disciplines est visible par des pratiques communes qui révèlent des réseaux constitués d’hommes et femmes de lettres, de scientifiques et d’auteurs de science-fiction, tous producteurs d’objets textuels au sens large (fiction, article scientifique, poésie, etc.).

Impossible exhaustivité et mathématisation du social 

Mais l’analyse de réseau à partir d’un corpus documentaire disponible rencontre une difficulté majeure : l’absence d’informations sur tel ou tel lien est complexe à combler. Une des possibilités est d’accroître le corpus par d’autres archives rendant aussi compte de relations (autres corpus épistolaires, textes biographiques etc.) : néanmoins, cette option est un travail considérable qui conditionne la recherche en archives à l’établissement de relations entre deux personnes ou plus et à la consultation de fonds et inventaires variés pour enrichir progressivement la base de données. Comme le rappelle Pascal Cristofoli, le réseau est une « catégorie analytique » qui permet d’ajouter et de multiplier les réseaux étudiés en fonction du corpus disponible. Les réseaux en histoire restent conditionnés à une impossible exhaustivité des sources : la connaissance des interrelations est fortement dépendante de trois facteurs que sont le choix de l’échantillon, la qualité des informations et leur compilation35. De fait, le chercheur est au moins responsable de deux facteurs sur trois, à savoir le choix de l’échantillon et la compilation. La qualité des informations est conditionnée aux sources disponibles et à la parole des acteurs. Certains épistoliers sont plus loquaces sur leurs relations et sur les personnes rencontrées ou avec qui ils correspondent. Si l’on compare les correspondances avec l’Arcadie romaine - conservées à la Bibliothèque Angelica de Rome - du napolitain Biagio Maioli d’Avitabile (vers 1670-1732) et du bolognais Giovan Gioseffo Orsi (1652-1733), on remarque que Maioli d’Avitabile apprécie de citer au gardien général Crescimbeni les personnes qu’il a vues ou avec qui il a échangé alors qu’Orsi est plus discret sur cela bien qu’il soit fortement inséré dans les milieux intellectuels bolognais36 : cette inégalité induit ainsi une asymétrie quant au traitement des personnes citées et qui peut produire une distorsion dans la visualisation cartographique.

Tout comme les choix des outils de terrain, ou la manière de tenir un carnet de note, enregistrer ou non ses entretiens, utiliser un appareil photo ou une caméra, le choix des outils numériques d’aide à la recherche et la qualification des données sont un parti pris du chercheur. Il est nécessaire de faire un travail fin de qualification de ses données de terrain avec l’optique qu’elle lui soit compréhensible plus tard lorsque l’on va revenir dessus. On doit pouvoir les utiliser sur un temps long et même parfois pouvoir les partager avec d’autres chercheurs. Tout comme un système de classement, même s’il peut être normé, cela reste un système assez personnel. La qualification des données et relations découle des observations du matériau de départ : comment pouvons-nous alors déterminer ce qui sera un lien d’amitié ou une simple connaissance, par exemple ? Cela est d’autant plus marqué que l’on ne peut pas interroger les acteurs directement pour qu’ils puissent donner un avis sur cette qualification. Comme on a pu le voir plus tôt, cette qualification, l’encodage des données, est directement liée à une exhaustivité inatteignable notamment liée à l’impossibilité de connaître et consulter l’ensemble des sources, ou à interroger les acteurs.

Il y a donc les risques liés à des interprétations personnelles, qu’elles découlent d’un corpus parcellaire ou incomplet ou à l’auto-qualification des acteurs eux-mêmes, c’est-à-dire comment intégrer des matériaux produits par les acteurs qu’ils soient de nature personnelle (journaux intimes, correspondances), institutionnelle (articles, conférences) ou pour un public (autobiographie, interview). S’il n’est pas question de remettre en cause la parole des acteurs, il faudra évidement l’analyser dans leur contexte et avec les outils méthodologiques spécifiques et se questionner sur la typologie employée pour qualifier les relations et les données. Ainsi, devons-nous considérer (qualifier) la relation entre deux chercheurs d’un même laboratoire de la même manière que deux chercheurs de la même discipline ne travaillant pas dans la même ville ? Dans le premier cas, les relations sont quotidiennes mais peu documentées, pour la seconde, si une correspondance existe, la description de leur relation serait possible, mais seulement sous le prisme de cette correspondance. Il doit alors avoir un travail méthodologique sur le choix de qualification des relations. Quelles subtilités doit-on prendre en compte pour qualifier différemment les relations, et jusqu’où doit-on aller ? Affiner, oui ! Mais à quel point ? C’est au chercheur de déterminer et justifier ses choix pour la qualification des données, elles ne pourront pas être uniformisées et exhaustives comme pourrait l’être la qualification des relations neuronales. C’est pourquoi la qualification de données, tout comme la cartographie, doit s’accompagner d’une légende, ou du moins, d’une explication des qualificatifs employés et dans quel but. Tout cela nécessite une formation du chercheur à cette méthodologie spécifique comme peut l’être l’ethnographie visuelle et l’utilisation de caméra sur un terrain « classique » : c’est ce que soulignent Thomas Cornillet et Caroline Datchary lorsqu’ils parlent du travail interprétatif qui s’opère à ce moment-là dans la pratique de l’anthropologie visuelle37.

Dans nos travaux, la cartographie de réseaux vient compléter d’autres types d’approche et offre l’opportunité de mettre plus en évidence les relations entretenues entre les acteurs et les poids des relations. Nous avons voulu également travailler le quantitatif par le qualitatif en s’intéressant, par exemple, aux lieux d’affiliation à l’Arcadie des nœuds du réseau ou aux biographies des acteurs du réseau IA & SF en transformant les nœuds en notices biographiques. Néanmoins, les cartographies de réseaux sont une représentation mathématique du social : les premiers éléments visibles restent les poids des nœuds et des liens, qui sont une quantification des relations sociales. De plus, en fonction de la modélisation choisie, nos données sont soumises à différents algorithmes qui conditionnent le résultat visuel obtenu. De fait, il nous a semblé nécessaire de proposer de façon complémentaire dans nos recherches des analyses qualitatives de ces relations afin de rendre compte de leur spécificité (sujets abordés, objets échangés, rapport entre les interlocuteurs) qui disparaît dans les graphes. Bien que le poids des nœuds et des liens schématise l’importance de la personne dans le réseau ou au contraire sa position périphérique, cette mathématisation des relations produit une mise à plat ou une égalisation, si l’on peut dire, des relations qui sont toutes comprises par des chiffres et selon une échelle choisie par le chercheur en fonction des données collectées : si la personne la plus citée l’est 50 fois, on pourra définir le poids maximal des nœuds à 10 par exemple, et ensuite, calculer un ratio pour générer une gradation des poids des nœuds. Mais des explications complémentaires et qualitatives sont nécessaires pour analyser pourquoi cet individu apparaît si fortement ou au contraire est très peu visible dans le graphe. La cartographie de réseau est l’outil pertinent pour modéliser des relations sociales constitutives d’un milieu, mais cette représentation mathématique ne permet pas d’analyser, à elle seule et avec finesse, la diversité des formes de relations et les spécificités des échanges intellectuels.

Conclusion

Ainsi, pour résumer les résultats de ces recherches, l’utilisation de la cartographie de réseaux a permis d’expérimenter une nouvelle forme d’écriture complémentaire au texte et de rendre compte concrètement des interrelations existantes dans des milieux intellectuels par des visualisations graphiques. Cet outil a permis de représenter des données complexes et d’identifier des personnes-clés. Associer et croiser nos deux perspectives de recherche sur les réseaux a permis de faire émerger différentes méthodologies et apports de l’utilisation des réseaux en sciences sociales, qui peuvent être mis en pratique de façon conjointe. Ainsi, la méthode d’analyse des personnes citées enrichit considérablement les réflexions sur les relations : elle trouve, dans la cartographie de réseaux, une possibilité pertinente de rendre visible ces centaines d’interrelations. Cette méthode peut être associée à celle de l’usage des nœuds comme outils biographiques, dans la perspective où ces nœuds ne sont pas seulement des données, mais des individus. Ces pratiques de la cartographie de réseaux soulignent aussi l’importance donnée à l’inscription territoriale et sociale des nœuds de ces réseaux, pour éviter que ces données soient décontextualisées. De plus, ces outils permettent de donner de nouvelles perspectives aux recherches en SHS, qu’elles soient esthétiques, didactiques ou épistémologiques, et d’exploiter les données brutes récoltées dans les archives ou sur le terrain. Si cet article est un moyen de formaliser ce travail collaboratif, il est également une conclusion à cette première collaboration. Loin d’être un point final il nous offre également des perspectives pour des projets communs. Des projets, qui comme celui-ci, peuvent s’inscrire dans une démarche interdisciplinaire, mais également dans les humanités numériques qui offrent une passerelle entre les différentes disciplines et vers le grand public. La circulation des savoirs, que nous étudions toutes les deux, nous la produisons également. D’une certaine façon, nous devenons, à notre tour, actrices d’un réseau qui se dessine et prend forme au gré des collaborations scientifiques. La diffusion des savoirs, dans toutes ses dimensions, est aujourd’hui facilitée par ces outils à notre disposition, qu’il convient maintenant de faire connaître, de se former et de s’en emparer voire de les détourner pour les inscrire de façon plus visible dans nos disciplines.

1 D. ROCHE, « Avant-propos Réseaux des pouvoirs, pouvoir des réseaux dans l’Europe des Lumières » dans P.-Y. BEAUREPAIRE (dir.), La plume et la toile

2 L. RENUCCI, L’Arcadia per lettera, sociabilités épistolaires et réseaux académiques en Italie au XVIIIe siècle, EHESS Centre Norbert Elias -

3 S. MATHIEU, Circulation des imaginaires dans le développement de l’intelligence artificielle : Dialogue entre sciences et fictions, réalités et

4 J. BOUTIER, B. MARIN et A. ROMANO (dir.), Naples, Rome, Florence : une histoire comparée des milieux intellectuels italiens (XVIIe-XVIIIe siècles)

5 J. BOUTIER, B. MARIN et A. ROMANO, « Les milieux intellectuels italiens comme problème historique : Une enquête collective » dans Naples, Rome

6 Le fonds principal est celui des archives de l’Arcadie conservées à la Bibliothèque Angelica de Rome.

7 P.-Y. BEAUREPAIRE, « Conclusion » dans P.-Y. BEAUREPAIRE, J. HÄSELER et A. MCKENNA (dir.), Réseaux de correspondance à l’âge classique (XVIe-XVIIIe

8 F. CLAVERT et V. SCHAFER, « Les humanités numériques, un enjeu historique », Quaderni, vol. 98, n°1, 2019, p. 33-49.‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬

9 A. CASILLI, « Anthropologie et numérique : renouvellement méthodologique ou reconfiguration disciplinaire ? », Anthrovision. Vaneasa Online Journal

10 I. ASIMOV, Moi, Asimov, traduit par H. COLLON, Paris, Folio, 2004.

11 S. VAN DAMME, « Un ancien régime des sciences et des savoirs » dans Histoire des sciences et des savoirs, Paris, Points, 2019, p. 19‑40.

12 C. LEMERCIER et C. ZALC, Méthodes quantitatives pour l’historien, Paris, La Découverte, 2007, p. 87. Ainsi, si l’on s’intéresse aux liens dans un

13 C. GINZBURG et C. PONI, « La micro-histoire », Le Débat, no 17, 1981, p. 134.

14 Structured Query Language.

15 Geo Layout permet d’organiser les nœuds de façon géographique, en indiquant les coordonnées GPS des nœuds, et de superposer le réseau sur un fond

16 Massachusetts Institute of Technology- Institut de technologie du Massachusetts.

17 M. GRANDJEAN, « La connaissance est un réseau », Les Cahiers du numérique, vol. 10, no 3, 2014, p. 37‑54.

18 N. DUFOURNAUD, « Des humanités aux données », Les Cahiers du numérique, vol. 10, no 3, 2014, p. 73‑88.

19 S. VAN DAMME et A. LILTI, « Un ancien régime de la sociabilité ? L’héritage des Républicains des lettres » dans M. PORRET, V. MILLIOT et P. MINARD

20 P.-Y. BEAUREPAIRE, J. HÄSELER et A. MCKENNA (dir.), Réseaux de correspondance à l’âge classique (XVIe-XVIIIe siècle), op.cit. ; P.-Y. BEAUREPAIRE (

21 K. ČAPEK, R. U. R. (Rossum's Universal Robots) jouée en 1920 au Théâtre national de Prague. Pour le texte de la pièce, voir K. ČAPEK, R. U. R. (

22 I. ASIMOV, « Liar ! », Astounding Science-Fiction, A Street and Smith Publication, mai 1941, pp. 43-87 ; « Runaround»,Astounding Science-Fiction

23 Ces lettres sont conservées dans les archives de l’Arcadie à la Bibliothèque Angelica de Rome.

24 I. ASIMOV et S. ASIMOV, Yours, Isaac Asimov: A Lifetime of Letters, First Edition First Printing, New York, Bantam Doubleday Dell Publishing Group

25 I. ASIMOV, Moi, Asimov, op. cit.

26 I. ASIMOV et S. ASIMOV, Yours, Isaac Asimov, op. cit.

27 H. BOCHER et al., « Réseaux et pouvoir, logique de l’informel », Editions de la Sorbonne « Hypothèses », vol. 14, no 1, 2011, p. 242.

28 G. BERTRAND et A. GUYOT (dir.), Des « passeurs » entre science, histoire et littérature : Contribution à l’étude de la construction des savoirs (

29 P. FLICHY, « Rendre visible l’information », Réseaux, vol. 178-179, no 2, 2013, p. 55‑89.

30 A. CASILLI, « Anthropologie et numérique », art. cit.

31 N. DUFOURNAUD, « Des humanités aux données », art. cit.

32 A. CASILLI, « Anthropologie et numérique », art. cit.

33 C. JACOB (dir.), « Introduction “faire corps, faire lieu” » dans Lieux de savoir, espaces et communautés, Paris, Albin Michel, 2007, p. 20.

34 Ibid., p. 21.

35 P. CRISTOFOLI, « Aux sources des grands réseaux d’interactions », Réseaux, vol. 152, no 6, 2008, p. 24 et 45.

36 M.G. BERGAMINI, « Giovan Gioseffo Orsi » dans M. SACCENTI (dir.), La colonia Renia: profilo documentario e critico dell’Arcadia bolognese, Modène

37 T. CORNILLET et C. DATCHARY, « Pour un usage raisonné de la numérisation de l’enquête ethnographique », Parcours anthropologiques, no 15, 2020, p.

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Notes

1 D. ROCHE, « Avant-propos Réseaux des pouvoirs, pouvoir des réseaux dans l’Europe des Lumières » dans P.-Y. BEAUREPAIRE (dir.), La plume et la toile : pouvoirs et réseaux de correspondance dans l’Europe des Lumières, Arras, Artois presses université, 2002, p. 12.

2 L. RENUCCI, L’Arcadia per lettera, sociabilités épistolaires et réseaux académiques en Italie au XVIIIe siècle, EHESS Centre Norbert Elias - Université de Vérone, Marseille, 2020.

3 S. MATHIEU, Circulation des imaginaires dans le développement de l’intelligence artificielle : Dialogue entre sciences et fictions, réalités et fantasmes, thèse en cours réalisée à l’EHESS Centre Norbert Elias sous la direction de G. Guille-Escuret et J.- G. Ganascia.

4 J. BOUTIER, B. MARIN et A. ROMANO (dir.), Naples, Rome, Florence : une histoire comparée des milieux intellectuels italiens (XVIIe-XVIIIe siècles), Rome, École française de Rome, 2005.

5 J. BOUTIER, B. MARIN et A. ROMANO, « Les milieux intellectuels italiens comme problème historique : Une enquête collective » dans Naples, Rome, Florence, op.cit., p. 18‑22.

6 Le fonds principal est celui des archives de l’Arcadie conservées à la Bibliothèque Angelica de Rome.

7 P.-Y. BEAUREPAIRE, « Conclusion » dans P.-Y. BEAUREPAIRE, J. HÄSELER et A. MCKENNA (dir.), Réseaux de correspondance à l’âge classique (XVIe-XVIIIe siècle), Saint-Etienne, Publications de l’Université de Saint-Etienne, 2006, p. 361.

8 F. CLAVERT et V. SCHAFER, « Les humanités numériques, un enjeu historique », Quaderni, vol. 98, n°1, 2019, p. 33-49.‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬

9 A. CASILLI, « Anthropologie et numérique : renouvellement méthodologique ou reconfiguration disciplinaire ? », Anthrovision. Vaneasa Online Journal, 2014, n°2.1 [En ligne] URL : http://journals.openedition.org/anthrovision/626, consulté le 15 novembre 2020.

10 I. ASIMOV, Moi, Asimov, traduit par H. COLLON, Paris, Folio, 2004.

11 S. VAN DAMME, « Un ancien régime des sciences et des savoirs » dans Histoire des sciences et des savoirs, Paris, Points, 2019, p. 19‑40.

12 C. LEMERCIER et C. ZALC, Méthodes quantitatives pour l’historien, Paris, La Découverte, 2007, p. 87. Ainsi, si l’on s’intéresse aux liens dans un ensemble constitué, il s’agira d’une « analyse structurale » et d’un « réseau complet ». Au contraire, reconstituer le réseau d’un individu (type de relations, durée etc.) sera une analyse « égocentrée ». Enfin, si les questionnements portent sur les relations entre différentes personnes (groupes, individus isolés etc.), des « réseaux personnels » seront au cœur de l’analyse.

13 C. GINZBURG et C. PONI, « La micro-histoire », Le Débat, no 17, 1981, p. 134.

14 Structured Query Language.

15 Geo Layout permet d’organiser les nœuds de façon géographique, en indiquant les coordonnées GPS des nœuds, et de superposer le réseau sur un fond de carte.

16 Massachusetts Institute of Technology- Institut de technologie du Massachusetts.

17 M. GRANDJEAN, « La connaissance est un réseau », Les Cahiers du numérique, vol. 10, no 3, 2014, p. 37‑54.

18 N. DUFOURNAUD, « Des humanités aux données », Les Cahiers du numérique, vol. 10, no 3, 2014, p. 73‑88.

19 S. VAN DAMME et A. LILTI, « Un ancien régime de la sociabilité ? L’héritage des Républicains des lettres » dans M. PORRET, V. MILLIOT et P. MINARD (dir.), La grande chevauchée : faire de l’histoire avec Daniel Roche, Genève, Droz, 2011, p. 95.

20 P.-Y. BEAUREPAIRE, J. HÄSELER et A. MCKENNA (dir.), Réseaux de correspondance à l’âge classique (XVIe-XVIIIe siècle), op.cit. ; P.-Y. BEAUREPAIRE (dir.), La plume et la toile : pouvoirs et réseaux de correspondance dans l’Europe des Lumières, Arras, Artois presses université, 2002.

21 K. ČAPEK, R. U. R. (Rossum's Universal Robots) jouée en 1920 au Théâtre national de Prague. Pour le texte de la pièce, voir K. ČAPEK, R. U. R. (Rossum's Universal Robots), Paris, Éditions de la Différence, 2011.

22 I. ASIMOV, « Liar ! », Astounding Science-Fiction, A Street and Smith Publication, mai 1941, pp. 43-87 ; « Runaround»,Astounding Science-Fiction, A Street and Smith Publication, mars 1942, pp. 94-103.

23 Ces lettres sont conservées dans les archives de l’Arcadie à la Bibliothèque Angelica de Rome.

24 I. ASIMOV et S. ASIMOV, Yours, Isaac Asimov: A Lifetime of Letters, First Edition First Printing, New York, Bantam Doubleday Dell Publishing Group, 1900.

25 I. ASIMOV, Moi, Asimov, op. cit.

26 I. ASIMOV et S. ASIMOV, Yours, Isaac Asimov, op. cit.

27 H. BOCHER et al., « Réseaux et pouvoir, logique de l’informel », Editions de la Sorbonne « Hypothèses », vol. 14, no 1, 2011, p. 242.

28 G. BERTRAND et A. GUYOT (dir.), Des « passeurs » entre science, histoire et littérature : Contribution à l’étude de la construction des savoirs (1750-1840), Grenoble, UGA Éditions, 2017.

29 P. FLICHY, « Rendre visible l’information », Réseaux, vol. 178-179, no 2, 2013, p. 55‑89.

30 A. CASILLI, « Anthropologie et numérique », art. cit.

31 N. DUFOURNAUD, « Des humanités aux données », art. cit.

32 A. CASILLI, « Anthropologie et numérique », art. cit.

33 C. JACOB (dir.), « Introduction “faire corps, faire lieu” » dans Lieux de savoir, espaces et communautés, Paris, Albin Michel, 2007, p. 20.

34 Ibid., p. 21.

35 P. CRISTOFOLI, « Aux sources des grands réseaux d’interactions », Réseaux, vol. 152, no 6, 2008, p. 24 et 45.

36 M.G. BERGAMINI, « Giovan Gioseffo Orsi » dans M. SACCENTI (dir.), La colonia Renia: profilo documentario e critico dell’Arcadia bolognese, Modène, Mucchi, 1988, vol. 2/1, p. 69.

37 T. CORNILLET et C. DATCHARY, « Pour un usage raisonné de la numérisation de l’enquête ethnographique », Parcours anthropologiques, no 15, 2020, p. 40‑57.

Illustrations

Figure 1 : Cartographie des milieux arcadiques

Figure 1 : Cartographie des milieux arcadiques

Figure 2 : Spatialisation de la cartographie des milieux arcadiques

Figure 2 : Spatialisation de la cartographie des milieux arcadiques

Figure 3 : Le réseau arcadique des Forzoni Accolti

Figure 3 : Le réseau arcadique des Forzoni Accolti

Figure 4 : Réseaux d’interconnaissances SF-IA

Figure 4 : Réseaux d’interconnaissances SF-IA

Figure 5 : Notice biographique interactive de Isaac Asimov

Figure 5 : Notice biographique interactive de Isaac Asimov

Figure 6 : Notice biographique interactive de Marvin L. Minsky

Figure 6 : Notice biographique interactive de Marvin L. Minsky

Citer cet article

Référence électronique

Ségolène Mathieu et Léa Renucci, « Expérience partagée des réseaux de savoirs », PasserelleSHS [En ligne], 1 | 2021, mis en ligne le 18 octobre 2021, consulté le 16 avril 2024. URL : https://ouest-edel.univ-nantes.fr/passerelleshs/index.php?id=129

Auteurs

Ségolène Mathieu

EHESS – Centre Norbert Elias

Léa Renucci

Centre Norbert Elias

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